Que penser de ces livres en recherche de lecteurs et qui meurent en petits cris discrets, de plus en plus négligés en cette ère du numérique ?
Le temps semble s’inverser et l’heure un peu extrême. Peut-être suffit-il de s’enfermer en silence et d’interpréter le réel ? Vivement que vienne une vérité superflue en guise de truisme ! Puisque le déguisement ultime en est un de sincérité mêlée de feinte, Julien cherche librement en cette dérive des écrits publiés l’inutile et le superflu. Près de lui, des piles de livres négligés cherchent chez l’éditeur un intérêt perçu qui suscite des disputes, des querelles et des prises de bec. Cette démesure lui est précieuse. Il en étire le déclin et réinvente les règles de réussite. S’il végète en ce lieu imprégné de silence pleureur, c’est qu’il désire indiquer une présence ennemie en ces lieux surpeuplés.
En effet, lesquels d’entre ces livres méritent d’être préférés et même retenus ? Il lui est difficile de les distinguer et de les discriminer. Il préfère l’implicite et le recherche de plein gré, même s’il se permet de célébrer les divergences qui lui semblent essentielles. L’effet de rupture est peu désiré. Rêver d’en décrypter les figures puis de les décrire en clichés singuliers l’intéresse. S’il ressent cette richesse des lectures plurielles, il rêve de s’immiscer en elles plus serein et de se libérer de leurs tutelles infinies. En cette nuit illuminée d’une justesse imprécise, il cherche un lien direct entre le jeu et le bien-être. L’empressement lui dicte des gestes répréhensibles puisque l’erreur résulte de l’entêtement et qu’il refuse mine de rien de s’humilier inutilement. Quelle belle sphère de jeu que cet inédit qui investit le présent et réitère l’intérêt du dicible et du scriptible, même en des sentiers récemment réputés illisibles.
Déserter les chimères
Est-il bien évident de demeurer vigile ? Le lexique s’excite, les termes s’entremêlent et les lettres se fréquentent de plus belle; elles expérimentent même des vitesses indéfinies. Est-ce l’usure issue d’un temps gris imprégné d’une timide rigueur et d’une pudeur extrême ? En ce début de siècle, il semble régner une culture du mépris, d’irrévérence et de nette indifférence. Qui es-tu, cher lecteur en devenir ? Qui veux-tu être ? Si tu n’es plus ici, est-ce réellement terminé ? Le métier d’éditeur crible Julien d’interdits et de défis inespérés. Identité, diversité, intensité ! En recherche de sérénité, il scelle ses pensées et, en guise de pénitence, il s’inscrit en différé. Rien ici qui lui permette des licences juteuses. Entreprendre de se justifier est-il irrévérencieux, une mesure divine, une idée de l’enfer sur terre ? Il s’immisce discrètement sur le seuil de l’ennui, dérive et s’enfuit en des vies qui se cherchent et se peuplent de lieux d’inexistence. Il lui suffit présentement de distiller ses réussites et de rire un peu, de déverser l’essence de liberté endiguée en des mers textuelles. Des étincelles surgissent, l’écrit se mue en feu et les lettres deviennent liquides. Les cris stridents qui le musèlent en même temps le libèrent. Bris et brisures sur le chemin du temps : l’épreuve définitive.
Décrypter le virtuel
Très simplement, il entend sublimer le dire et puis rester muet. Ce présent qui résiste si bien est-il réel en définitive ? Il évite de se sentir piégé et décide de régler différends et litiges. Guérir ses blessures et les réduire en silence, quel défi ! Une multitude éperdue en quête d’exemples inutiles se dissimule en lui. Quelques heures de survie en vue et puis l’été s’esquive. Duel du lire et de l’écrire, du lire-écrire. Vivement se délivrer, livrer, crier, s’écrier, se retenir, quitter, griffer, décrire, rire, relire, remixer, délirer et s’éclipser. Rien que des gestes impénitents, des gestes meurtriers, des gestes singuliers.
Le désir de s’enfuir immerge l’être en dérive. Il tente de subvertir ses envies de secrets dispersés, cette vie de secrets disséminés. Ressurgissent en déficit des ténèbres illuminées, des esquisses tissées, des fissures insufflées. Le ciel semble devenu frileux et suspect. En dépit de l’intertextuel vertigineux issu des hypertextes expérimentés, les cris périlleux préservent les gens de l’enfermement et éclipsent cette nécessité d’un désir jugulé. Une mise en scène excessive des crises évitées explique ce qui ne peut être insinué. Qui mieux que lui peut cuisiner le verbe ? Heureux prétexte un peu cynique. Freiner l’expérience de plein gré, c’est répéter les gestes ressentis, demeurer zen et s’inspirer de Perec. Si le sujet est disparu, est-ce le temps de se diriger vers un futur imminent et de se priver de l’essentiel ? Le silence percute d’un venin pernicieux les rites discrédités. Puisque le temps n’est qu’un fieffé menteur, il devient inutile de sérier en kyrielle les clichés perturbés et indécents qui suscitent l’indifférence, cette ultime détresse des êtres négligés et discriminés.
Bruissements et mystères
Même les fins heureuses redeviennent des débuts. L’énigme persiste : subvertir le verbe, épuiser le lexique, s’éclipser derrière les embûches du sens célèbre directement le nihilisme nietzschéen, ce nihilisme refréné derrière des yeux éteints. Est-ce mieux de défenestrer les préjugés et de rejeter les idées reçues ? Ceci n’est plus une pipe. Le signifié rebelle réitère une présence décuplée et permet de quitter le pique-nique implicite. En cette nuit d’éclipse de lune, en cette nuit de gelée de pluie prélude d’une tristesse infinie, le ciel pleure et se meurt en prières et en cris.
Les hypertextes dérivés s’inspirent-ils de termes lestes, d’une esthétique de liberté ? Entre les jeux, le recul est de mise. Les devinettes du devin se devinent bien, dit le Sphinx. Entre les textes et l’esprit interpellé, tisser des liens récurrents entre un temps millésimé et un temps frénétique n’inscrit plus une suite plus juste. Certes, il semble utile, en cette veille imperceptible, de détecter et d’interpréter les signes impudiques de ces curieux spécimens reptiliens. Entre eux se glisse ténu le futur de l’écriture. Un futur subversif, un futur inventif. Le temps des regrets est venu. Hiberner, hiverner : demeurer présent et prévenir le pire. Que décider ? Le chemin du silence ne semble plus indiqué. Inutile de suivre les règles vétustes d’un fil invisible qui cible un plein excessif en chute libre, cet écrin invisible du vide de l’écrit en suspens. Le fil est bien ténu et le récit peu ficelé. En cette mer inédite, les textes se veulent vite résumés et refusent une vérité induite, scène curieuse d’un précipice qui pulvérise des vertiges et gruge l’essentiel.
Plénitude en excès
S’il n’en peut plus de supplicier le désir, que lui reste-t-il ? Il est pris en cette île et dérive en esprit puisque vivre n’est plus juste un éden. Même s’il n’y survit qu’une seule minute, le temps d’une seule pensée, il s’y inscrit tête première, s’y exile en esprit, et se cherche ensuite éperdument. En quête de vertu, les hurlements dissimulés se muent en silences feutrés, scintillement pernicieux s’il en est. Le jeu s’intensifie et l’envie de se perdre en ces enfermements suggère un exit de l’existence en réserve, cet euphémisme du dire.
Chercher l’erreur
Il est celui qui est, celui qui ne suit plus que ce qui se dessine et ce qui l’intéresse. Il existe et se grise en reprise du vu, du lu, du tu et de l’entendu en ce jeu entremêlé du dire, de l’écrire et du lire. Il effeuille le ciel : Chut ! Chut ! Chut ! Dire le rien, dire le vide, dire le plein. Mixer et remixer. Dire l’écrin, dire l’éteint, l’écrire, le redire, se retenir et rester en vie. Il persiste et résiste. Il invite le ciel qui fléchit et s’embrume l’esprit en quête d’invisibilité. Il n’en peut plus d’expérimenter, de tenter de veiller sur cette nuit intérieure inversée des milliers de dunes de scepticisme et de susceptibilité. Si le sens unique est insensé, interpréter le réel enfreint ne demeure-t-il qu’un défi ultime ? Rien n’est si peu sûr.
Risquer le futile
Écrire, ne plus écrire : dilemme éthique, heuristique et herméneutique. Lire et relire, hélices du désir, délires et délices. S’exiler définitivement et reprendre du service. Freiner cette véhémence qui submerge l’esprit. Être privé de liberté et se sentir reclus en perpétuité. Écrire, c’est simplement trier, crier, rire, redire, cirer. Écrire, c’est tricher, se reprendre et sceller ses blessures. Seuls les premiers jets durent éternellement. Étreinte inespérée du lire et de l’écrire. Signes limpides et hermétiques, mimésis et diégèse. Limiter l’usufruit du texte, liquéfier le réel, s’émerveiller de peu. Restes de vie, perte de sens. Écrire, n’est-ce que tisser les fils multipliés et débridés du sens ? N’est-ce que décrire en lettres de feu les enjeux de ce jeu ? Rien n’est plus muet et inscrit que l’empreinte des lettres en exil, ces vestiges du dire en ce crépuscule de l’écrit. Être lucide et persévérer. Ne plus se désister et ressusciter le Phénix de plume. S’infiltrer, surgir, percer et pénétrer ce mur érigé. Émerger du silence et remplir d’un peu de présence l’étendue entrevue. Être privé de liberté et se sentir reclus en perpétuité. S’extirper seul de cette peine secrète, pénétrer brusquement en un lieu déguisé en terreur, est-ce le plus utile ?
Le vide indéfini
C’est l’heure de quitter l’ensemble de ses certitudes et de se risquer sur les chemins peu fréquentés d’un futur imminent. L’existence devient-elle plus précieuse si elle risque de s’éteindre ? Ivresse du péril en guise de servitude. Le séisme n’est rien, survivre demeure l’unique défi. Rupture de temps intimidés qui s’effritent et qui ténus s’inquiètent en ce présent ému.
Crucifier les termes inédits, les éterniser sur un fil perpétuel et risquer d’en épuiser les subtilités textuelles. Prière de réfréner l’impulsivité inventrice. Délivrer les sens pluriels des livres : le but visé ? Le livre existe-t-il distinctement de ses lecteurs et de ses lectrices ? N’est-il qu’un devenir en quête de lecture ? Le livre devient-il inerte s’il n’est plus lu ? Si écrire, c’est s’écrier et crier, est-ce qu’inventer mille délits, c’est se réfugier en pleine lumière en une nuit perpétuelle ? Pelucher des chimères et peupler de dérives les signifiés uniques, est-ce incruster le dire, le crucifier et migrer vers des cimes ?
L’ennui fissuré
Ce film rebute Julien qui en minimise les enjeux et refuse de bifurquer et d’esquisser des gestes jugés imprudents. En effet, il préfère espérer survivre même s’il fréquente un chemin de duvet et de grêle. Des vestiges du dire émergent des ruines et des débris, une chute de tricheries et de leurres évités. L’industrie semble négliger l’empressement excessif. Une trêve est-elle prévisible ? Est-ce si pertinent ? Quelle réussite est permise ? Une expérience limite peut jeter un vif discrédit et restreindre les revers et les embûches. Le remède et ses effets réduisent-ils les risques inhérents ? Peut-être redéfinir le futur en termes de superstructures ? Être invisible, c’est s’évincer. Inclure, exclure, hésiter. Se décider permet enfin de disséquer les événements utiles. Si médire évite de périr, le sens réinterprété refuse de diminuer et risque de s’enfuir. Lucidité sublimée et méprises excessives, puisqu’en vérifier l’unicité, c’est en pressentir l’inutilité.
Rituels et pixels
Rien ne sert de quitter si rien ne survient. Un vide extrême imprévu ne résiste guère si l’ennui est un ennemi qui tue. Limiter l’étendue incendiée et tenter d’y insuffler du mystère. Cet enjeu implique des sculptures exquises, lumineuses et en devenir. Qu’ils écrivent, qu’ils lisent, qu’ils illustrent de textes une vie bien remplie, les gens vérifient bien peu les présences extrêmes, puisque peu d’entre eux y excellent. Le temps file sur le mur de FB et sur le fil de Twitter, et même si Linkedin réunit les membres les plus fervents, l’univers n’est plus le même : il est devenu depuis peu un futur immense en quête d’identité. FIN
N.B. Cette fiction lipogrammatique en A-O ou encore trivocalique en E-I-U a été élaborée à partir de mes contributions individuelles dans le groupe d’écriture Lipkao. Au départ, il ne s’agissait que de commentaires réactifs et créatifs indépendants, issus de l’interactivité induite, et rattachés à une multitude d’illustrations visuelles, musicales et textuelles proposées par Strofka sur Facebook depuis l’été 2012 (Voir Un bien étrange lipodrome). Un texte oulipien en a émergé puisque des idées ont surgi qui n’étaient nullement prévues au départ. Il s’est agi pour moi d’expérimenter une nouvelle façon d’écrire, étant donné que les idées émergent à partir des matériaux langagiers colligés au lieu de provenir d’idées préalables à traduire en mots. J’affirme qu’il est réellement possible d’écrire de cette façon, puisque les expériences d’écriture trivocalique en Twittérature collaborative se sont déjà avérées concluantes (voir IMAGES, APERÇUS, LIGNES DE FUITE ). En me lançant ce nouveau défi, j’ai été à même de vérifier à quel point ces contraintes lipogrammatiques libèrent efficacement la pensée. C’est uniquement le fait de recourir aux fragments échevelés de Lipkao méticuleusement sélectionnés qui, une fois rassemblés, repositionnés, réagencés et retravaillés, m’ont permis de générer un texte porteur en agissant comme des ferments, ainsi que l’intuitionnait Strofka que je remercie expressément. Voilà donc ci-dessus ma deuxième fiction lipogrammatique L’écrit en exil, à la suite de ma première nouvelle littéraire Entente passagère qui relevait pour sa part du bivocalisme E-A. Je vous invite à en tenter l’expérience, car écrire de cette façon modifie substantiellement le regard sur la didactique de l’écriture en nécessitant des contournements syntaxiques et lexicaux, de même que le recours justifié à des dictionnaires puisque les empêchements invitent à dire autrement en sculptant avec les mots le texte en devenir.