Bizarres destinées * (Semaine du 12 au 19 juin 2011)
Delphine baignait d’emblée dans le bonheur et la béatitude. Elle se dérobait aux dangers et aux déplaisirs, en développant de bien délicieuses dérives. En effet, elle demeurait blasée ou blessée, mais bouder la délivrait durablement, tout autant que le détachement. Cette belle déesse de Delphine déambulait tout en dodelinant du bonnet. Bouder ou badiner? Elle délibérait l’objet.
Depuis le départ de Bernard en Bolivie, elle broyait son désir dans la désolation. Elle bernait sa dépression en buvant des daiquiris, se disant que bourrée elle dormirait et distancierait sa douleur. Delphine bascula vers un bonheur brumeux. Blottie en boule dans des draps blancs elle était bavarde et son discours déjanté: elle se voyait danser le boléro à Bora-Bora. Le bal bigarré disparut derrière un doux demi-sommeil puis d’un beau dodo jusqu’au dimanche. « Des bras, des bras » brama-t-elle derechef! Des bonheurs domestiques, des douceurs burlesques! Douteux baragouin…Dans ses divagations, sa bouche brouillée par les diaboliques drinks débitait des bêtises.
Déterminée après ses douces divagations, Delphine délibéra: bouder ou dormir désolent… Diable, comment dompter Bernard? Pourquoi décider de le dompter d’ailleurs? Débroussaillant là-bas des balises de développement, la Bolivie était devenue pour lui bien différente, car elle se distinguait des destinations banales déjà découvertes. Durant la dernière décennie, il s’était baladé désenchanté durant des déplacements disparates. Depuis le départ des dictateurs, la Bolivie se bonifiait. Bernard se disait que la démonstration du bien-être démographique devenait le baromètre de la démocratie.
Delphine désapprouva : son droit à la dissidence était décidément brimé brusquement. « Basta! » dit-elle à Bernard devenu bouche bée. Définitivement, deux directions diamétralement divergentes bouleversaient leur danse à deux. Balancer la dictature? Diffuser la démocratie? Quels beaux défis! des désirs à broder pour le duo bouleversé. Broderie bien déraisonnable pour une Delphine balzacienne désireuse de se délester de sa dépendance envers Bernard.
Dézinguant le bravache bobo bolivarien, Delphine danse. Bamba, bebop et boogie : les déhanchements du bouleversant derviche drainent des bordées de desperados décatis et de bimbos bricolées; le boulevard en fut bientôt bondé. Devant les débits de boissons, le bal des débutantes bousculait les bourgeoises : be bop a dada! Plus elles dansaient plus cela dansait aussi dans leurs têtes. « Au diable la bienséance!« , se disaient-elles.
Au bar, en biais de la balustrade brune, se balançait une boule disco qui brillait à distance. Delphine déviait vers cette braise blanche telle une bestiole vers un brasillement. Bouder son plaisir? Delphine n’y pensait pas. Sur la piste bondée, personne ne pense à dialoguer: les déhanchements dominent. Blonde, désirée, désignation Bayer de Bételgeuse démesurée, devançant Bêta, diacritique basculée doucement, balise dissimulée. Son derrière bombé dans un bloudjinn’z au diapason de son body dévoya un docteur en drague qui lui dit : «Belle demoiselle à la beauté si délicate et délicieuse, désirez-vous danser avec moi cette bacchanale dangereuse? » Delphine, devant ce banquier boulimique débiteur buté boursouflant les dettes d’autrui, se dit : « Débauchons-le dans la brousse définitivement ». « Bon débarras! » dit Delphine un brin déboussolée et bien décidée à dormir.
Elle décida de se dorloter avec du Bob Dylan au désespoir de Bernard. Bonjour dames, bonjour damoiseaux. Bondissons dans bain, déjeunons, buvons diverses boissons douces, beurrons délicieuses banettes. Badaboum boum dans la direction du bord de la danse des bons dindons dodus bombés, dingue! Bang! Bof! « De la douceur, de la douceur, de la douceur », balbutia Delphine, désirante. Sa démesure débridée dérangeait Bernard déconsidéré, déçu de devoir débattre d’eux derechef et désireux de se dérober dans des détours de désillusion.
« Bernard, donne-moi du dément. Ne badine plus avec mon désir. Déleste-toi de la bienséance de la doctrine bourgeoise », dramatisa-t-elle. Destinée bizarre des belles dames belges demeurant boulevard Damoclès bernées doublement, bigrement dépouillées. En douce, Delphine désirait se dévouer au destin dévoilé jadis dans la boule de cristal de sa diseuse de bonne aventure. Ce destin? Devenir barde, déclamer de belles proses devant des badauds bienveillants. Mais depuis, dans la dite boule, les brucolaques le disputaient au brouillard, désespérant Delphine qui la brisa. « Bon Dieu de bon Dieu! blasphéma Delphine, dussé-je blettir définitivement dans les draps de Bernard, je me départirai dare-dare de ces damnés bêtacisme et deltacisme! » Et elle se mit à bléser… Bon! Dodo! Billevesées dites benoîtement, du blablabla décevant, brèves devises bredouillées, décidément, basta! Dormez bien douloureuses données belligérantes, je demeurerai divisée et dans la dissonance, je bercerai de doux distiques et Bernard dissimulera son déplaisir dans la dissociation et dans la diversion.
* Merci à @Le_Gugu pour la suggestion indirecte de ce titre.