LUDOVIC : Un okapi oulipien en twittérature collaborative

LUDOVIC

Dérives inutiles

Mobilisé par une colère banale, Ludovic imagine sa muse se dérober avec animosité. La vitalité d’un avenir avec  Adèle ravive la démesure du désir  inutile. L’original et infini remodelage de ce samedi dénaturé l’agite, le met à mal. Or, oser une vocalise fera rugir ici-même du matin une gamine livide du Qatar, une docile, la canine maline, féroce d’avidité. Képi d’or en origami, le zeber a pesé le bazar. Ludovic et Adèle. Le mâle mis à mal imagine sa dame. La gamine volubile ne sera pas là. Déjà l’âme hâtive, la totalité des atomes animés, abîmés, a-t-il osé la menacer. Une balade  ravivera le désir et animera la dame. La Tamise  mènera les âmes. En une  minute, sur un canot animé, le binôme s’ébat. Mol et ahuri zélote du sexe, Ludovic ahane sec à l’inégalé néné de sa nana. Le pire n’a pas été révélé, la nature du sujet a sidéré l’âme timide.

Rêves agités

Big BenLe gamin imaginatif a tu le récit aride du devin aviné. Jugé périmé par un avili  kapo vipérin, Ali n’ose réfuter. Ali s’évade, se retire, décède. À dix unités AM, Ali vit isolé de la localité de cet épisode. L’un a  vu cet Ali, le fixe. L’un, égaré, dévisage l’Ali, met en mesure la minute du même halali qu’ Hary. L’alibi se pare de vapes. Nul ami n’a vu cet Ali, falot évadé de son âme juvénile. Ce rêve s’évapore. Ludo, féru de nature,  sera l’élu. Dure vérité : la vanité dérobe la totalité des oboles à l’âme vile. Las ! Ici même cet ahuri de juge l’exige. Il a raté sa rigolade, vomi sa limonade, fini par une dérobade l’amère capilotade. Pis Adèle ? Pas une parole? Pas une note de son avis? Un épisode de démesure misogyne si banal, ce Ludovic et sa parade de coq !

Morosité banale

Adèle met une jupe lilas et une petite capine rose. Badine, vive, la pin up a la cote. Le mâle la mate. La rétine se dilate. Déjà le zozo, nu, batifole. Caroline vociféra du latin à son élève. Devenu morose, l’élève  se tut. Une morosité générale le tire de l’image d’Épinal et il énumère desiderata, sonorités animales et odes atonales. La tonalité musicale du mobile de sa future légitime, tel un opéra, fit un son inopiné. Or il étira l’anémone, cala calote sur épi, n’éluda pas et  ironisa car il y mit un iris, et étala l’amère vérité de la galipote. La note finale sera rapide : ne sera pas ahuri, parera le rire, et amènera vite la mite, las à relire le vide de la page. Et Adèle posera, sur un anonyme dôme de caramel irisé doré, le joli cake de moka. Ludovic, ô mâle vorace, sera baba. Avec une jupe royale d’une copine catalane, Luce gigota, vive, cabotine. Lino, le malabar aride, la fixa hébété.

Cinéma dénudé

Le cinéma de ce cameraman amène les élèves à voyager. Il a déjà visité des écoles  et animé des amis épatés ici-même. Il a fixé l’image de noces à Monomotapa City, de safaris à la girafe, le bal à Jo, même l’Ave du pape ! Ce matin en une fête, Ludo  dit à son Adèle, ses amis (Ali, Yvan): « À la manif ! » Une manif amicale ce samedi d’été dénaturé  par un abus exagéré de docilité : midi d’orage ?  Pas une manif en état uni, non. Un orage paré d’un épuré but: « Ici, j’exige la lune », dit Yvan à ses amis, avides à son image. « Imaginez une manif-orage sur une lune : j’y dévale la face de silice sud avec une tête de pore, dénudé tel un cône de gélatine. » Facile de se balader avec un ami si délicat. Aladin amène, devise, si facile, si volubile. Nicole mêle son et image, rêve du paradis. Le gamin, à Paris, exige de se balader avec une gamine civile, délicate. Ce navire n’en a pas une! Le petit a du mal à l’imaginer.

Manif en images

À la manif, un avide tyran  a vomi banalités et énuméré bêtises. Ali dit : « Ô Pépère ! Ta parole n’égale pas une banane! » Le débat amène des avis ahuris et  animosité. Dame Nature canalise des avidités. Il a déjà paru si facile de forer un élan, ô camarade dégénéré ! Dérives anonymes a-t-on omis, a-t-on  isolé l’avenir ? On a décalé nos images !!! L’isolé monotone végète par un amical et ému déluge. Le nabot atone radote, réfute. Sa petite milice débite son éloge paradoxal. Inutile, nocif, âme vile, cet Ubu sera rejeté, le sot ! Ahaha ! L’image humide pose sa pâte sur un utérus. Ahaha ! L’utérus a rusé, car il a posé sa police à côté de la tige. Luxe,  palace, dodu rôti…  « Fini, le nabab,  à ton ové bocal ! » On ose dire, l’on ose dévisager à l’aréna l’avatar élu. Vite décélérer : on a déjà déménagé. Le débat animé ne sera pas anodin. Un ébahi  zigoto rusera par inutile démesure. Zut à la fin ! Une rose dominicale ravira les amis, Adèle, Ludovic, Ali… ce sera la fête. La parole répétitive révèle la démesure de l’égo. Ça ricane. Ça râle sec et on a vite fini de se retenir. Olé! ! Ça fuse, ça se met à taper. Une banane vole. Le père la malice se ratatine du côté de la sécurité. Ça rigole pas.

Fabula, fabula

Éric adula vite ce bel érudit avec une rage d’ocelot. À l’ocarina, tôt, il élabora l’ode  vive de la félicité. Par un été coloré, la petite cigale s’éleva déjà. La petite cigale ne se posa pas et osa la vocalise. Là, le petit animal omit, en été, le rude hiver, et… Cela fut une  bise hélas avec une famine. La cigale céda…  » La facilité favorise la facilité », dit-il à son ami. « Tu débuteras à la case sécurité. » Éric alita le bel étalon et évita le rêve doré des alizés osés. À la mesure de Râ, l’amoroso reparut épuré. « La note musicale modère la moralité », fit Adèle. Ludovic opina. « Adèle, je t’amène te gaver à la popote de luxe Le Copacabana », dit-il. Ça s’avéra repas à se pâmer. Ici le menu: Salade de patate, bovidé du Général Ito, mahi-mahi fumé, tajine d’ovin à l’olive, petite dose de légumes étuvés. Avec un ice wine du Canada (d’Okanagan) et on émit: « Ô régal ! »

Méli-mélo

Nul adulé député ni zozo basané ne rase l’horizon irisé. Jurer à la police, simuler le mot ici vociféré « Non » avec une hilarité. Il avale, jase, bave si sa robe sale, rit à virer à sac un érudit amiral exilé de sa vitalité totale à râteler une sale rage là. Câline dérive, Ludovic abolit un adage, dixit Adèle : « Peler un acide kiwi mûr avec une lame mène là-bas où mute héros en avili. » Revenir à ce palace ridicule parut un inutile péril si mesuré. Le désir élimé devenu mi ténu, mi tenu ne sera déçu l’ami d’Adèle. D’une mine novice, se dotera-t-il à Venise d’un ami félin à dos avide d’Adèle ? Docile, rusé, sage timide satan adulé, le minet. Le bec érudit, Ali le sage dégage du limon une vérité rare. Ça rénove sec ici ! Sur un âne saturé de colis, une mère coca cola cède ses oboles. Écus en or et opale d’azur, éloge du luxe mesuré !

Bilan inusité

Le cameraman a décidé de numériser un épisode d’une demi-vérité sur iPad. Il a révélé ceci: humanité, solidarité, porosité des ados-écolos. Il a redit et exagéré des axes inusités à l’ère de la voracité, de la moralité, de l’égalité. Musicaliser un infini désiré, mobiliser une Némésis originale, même se reposer à Rome, Venise, Paris ? Il a revu son ami-camarade Ludovic animé de sérénité.

L’avenir imaginé l’amènera là-bas et un fatum à sa mesure se  définira.

FIN

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Pourquoi pas un okapi ?

Vous savez sans doute que l’OuLiPo se situe au carrefour de la littérature et des mathématiques, et que ce  groupe de recherche propose d’appliquer   des règles précises pour  générer de nouveaux textes ou intervenir dans les textes déjà   existants afin d’en activer  les potentialités latentes. C’est dans cette optique  que je vous propose un nouveau jeu  twittéraire, un okapi * qui  amène  à écrire autrement, à explorer une manière d’écrire  qui semble facile, mais qui est  loin de l’être.

Qu’est ce qu’un OKAPI ?
Ce peut être, j’en conviens,  un mammifère ruminant sachant se camoufler,  ressemblant à un zèbre, mais appartenant plutôt à la famille des girafes. C’est également  le nom  d’un magazine pour les jeunes,  mais c’est avant tout le nom d’une  célèbre  contrainte oulipienne qui figure dans  l’Atlas de littérature potentielle.**

Vers un texte zébré

De quoi s’agit-il plus précisément ? D’une contrainte linguistique pour stimuler la créativité qui  interdit que deux lettres voyelles ou deux lettres consonnes  se suivent. Elle consiste donc en  un jeu constant d’alternance entre consonnes et voyelles.  Cette alternance consonne-voyelle doit se vivre rigoureusement à l’intérieur des mots, entre les mots et même idéalement entre  les phrases. Dans le célèbre Atlas de littérature potentielle, le  texte qui suit est donné en exemple : « La divinité s’amuse de ta timide habitude de rêver une petite minute, de-ci, de-là, sur une lame marine. L’alizé te ramènera du pâle horizon à la sévérité de ce rivage coloré: salut, ami revenu » (p. 264). Vous voyez que c’est chose textuellement possible.

Il y a quelques semaines,  avec @Strofka, on avait décidé de relever ce défi oulipien, à coups de  trois mots à la fois, dans le cadre d’une 3WS***, ce qui avait  donné ce bien court texte : « Son ami refusa de jeter à mesure sur une rive son orage dévolu. Son opus imagé le dévitalisa. À la fin, il étala le pire de sa pose : sa vie. »

On trouve  ainsi, dans ce qui  précède, le respect du jeu d’alternance consonne (C) et voyelle (V) :  Son = C-V-C , ami = V-C-V, refusa = C-V-C-V-C-V, de = C-V, jeter = C-V-C-V-C, à = V,  mesure= C-V-C-V-C-V, sur = C-V-C, une = V-C-V, rive = C-V-C-V,  son = C-V-C, orage = V-C-V-C-V-C-V, dévolu = C-V-C-V-C-V. Inutile de poursuivre, car c’est  certainement devenu très clair.

Puisque je vous invite à une  expérience d’écriture collaborative sur la plateforme de  microblogage qu’est Twitter, chaque nouveau tweet pourra cependant commencer  indifféremment par une lettre consonne ou une lettre  voyelle afin d’instaurer une nouvelle séquence rattachée en continuité  aux précédentes. En raison de l’écriture asynchrone et de ses répercussions sur la faisabilité, cet assouplissement m’apparaît souhaitable.

Comme pour les autres coproductions twitteriennes d’inspiration  oulipienne  figurant dans la rubrique des Écrits collectifs de ce blogue, il s’agira d’une histoire en chaîne nécessitant la prise en compte des tweets précédents. Je vous invite donc à poursuivre l’histoire amorcée ci-après au gré de votre fantaisie. Dans ce contexte, je  me permets de rappeler qu’ il n’est pas nécessaire de produire un twoosh (tweet parfait de 140 caractères pile-poil), mais si vous désirez excéder la balise du 140 caractères, il  vous est suggéré d’en produire au moins deux d’affilée. Où l’histoire nous mènera-t-elle ? Je l’ignore  tout autant que vous… et cela fait aussi partie du jeu que de consentir à un dévoilement progressif et inattendu.

Pour cette nouvelle expérience de twittérature collaborative, je vous donne  rendez-vous au mot-clic #tweetokapi. Déjà, on a un début d’histoire zébrée, qu’adviendra-t-il ensuite ? À vous de le décider…

Mobilisé par  une colère banale, Ludovic imagine sa muse se dérober avec animosité.#tweetokapi

La vitalité d’un avenir avec  Adèle ravive la démesure  du désir  inutile.#tweetokapi

L’original et infini remodelage de ce samedi dénaturé l’agite, le met à mal.#tweetokapi

LUDOVIC  

Mobilisé par une colère banale, Ludovic imagine sa muse se dérober avec animosité. La vitalité d’un avenir avec Adèle ravive la démesure du désir  inutile. L’original et infini remodelage de ce samedi dénaturé l’agite, le met à mal. (…)

* À la page 16 des illustrations oulipiennes Les trente berges d’Estelle, vous constaterez  que cette contrainte n’ a été nommée qu’en 1996, même si elle a été  décrite en 1981 dans le célèbre Atlas.
**Atlas de littérature potentielle, Paris, Gallimard, 1981,  432 p.
** *Les 3WS (Three Word Story) consistent en une application Facebook à laquelle  j’ai consacré un billet intitulé Incursions littéraires facebouquiennes…en  3 mots ! Vous trouverez dans les Addenda quelques-uns des textes coproduits et publiés par @Strofka. Il n’y a malheureusement plus de 3WS en cours de production présentement.
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Entrevue accordée au Café pédagogique

C’est avec joie que j’ai accueilli la proposition de Jean-Michel Le Baut (@JMLeBaut) de répondre à quelques questions dans le cadre d’un entretien portant sur l’écriture collaborative. J’y ai vu une occasion rêvée d’effectuer la synthèse des projets que j’ai menés au cours des derniers mois en Twittérature, d’y mettre en relief les résultats de ces productions collectives et interactives  en plus  de pouvoir  jeter un métaregard sur les expériences réalisées avec l’aide de la communauté twitterienne. L’intérêt était vivifié par la perspective de m’adresser directement aux enseignants auxquels le Mensuel du Café pédagogique (@Cafépédagogique) est prioritairement destiné.

Bien que les défis twittéraires d’inspiration oulipienne aient été vécus dans un cadre ludique, rien n’empêche qu’ils soient éventuellement transposés à des fins pédagogiques principalement à l’ère du Web 2.0 qui nous invite à interagir davantage et à  créer à plusieurs. Voici donc le sommaire du dernier  numéro en date du 23 avril 2012 qui met en évidence les expériences fructueuses tentées   dans des salles  de classe novatrices en France « À la une: coécritures« ,  de même que l‘entrevue accordée au responsable de ce dossier qui a été, en plus,  l’un de nos précieux collaborateurs lors des défis twittéraires proposés. Je le remercie vivement pour cette opportunité et j’en profite pour le féliciter pour son implication auprès de son groupe de lycéens qu’il accompagne avec une créativité inspirante.

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Quelques réflexions évasives…


Un nouveau défi oulipien a été relevé avec brio, du 11 au 21 décembre 2011, par les membres de la communauté twitterienne désireux d’y participer spontanément. Rappelons que la contrainte  littéraire initiale du prisonnier, retenue au départ, n’autorisait aucun dépassement des lignes-barreaux (Évasion : un nouveau défi oulipien !). Des assouplissements ont été consentis,  car  même si les lettres à jambage  sont demeurées interdites, les hampes ont été limitées et les majuscules  acceptées,  de même que les accents.

Malgré tout, cette contrainte n’était pas du tout évidente à appliquer.  Pour vous en convaincre, je vous suggère vraiment d’essayer d’écrire de cette façon  pour constater à quel point ce peut être difficile. Si le texte collectif en résultant semble fluide, c’est que les cocréateurs ont travaillé très fort, en plus d’être talentueux.

L’esprit du jeu

Certaines personnes ont  apprivoisé ce jeu twittéraire en inscrivant uniquement un seul tweet ou quelques mots. D’autres sont intervenues régulièrement ou de manière ponctuelle; d’autres encore ont dialogué en se relançant comme  s’il s’agissait d’un match sportif, alors que d’autres  n’ont pas hésité à rédiger plusieurs  tweets d’affilée pour mieux préciser leur vision.

Le  résultat final ? ÉVASION, un  écrit fictionnel rédigé en collaboration, un tweet à la fois, par 22 membres de la communauté twitterienne.  Cependant, pour que la magie opère, que la synergie s’installe, que  survienne un miracle heuristique, il importait  à chacun de consentir à  arpenter l’étendue des possibles, sans  toutefois connaître la destination du voyage ni le chemin pour s’y rendre. Défi trop facile pour certains twittérateurs?  Sans doute, car pour contrer  l’abondance des gazouillis, j’ai dû rappeler, à un certain moment,  la consigne oulipienne : restriction des hampes en plus de la suppression des jambages !

Mission accomplie


L’objectif  souhaité  m’apparaît non seulement atteint mais également dépassé puisque l’intérêt s’est manifesté, que chacun a pu affirmer sa différence à sa manière. Les enjeux étaient ludiques. Voilà pourquoi je ne souhaite aucunement réprimer la créativité de  chacun puisque l’un des  plaisirs de ce jeu consiste à explorer à sa guise  et seulement si on le souhaite véritablement. Voilà aussi pourquoi l’harmonisation du style ne me semble pas nécessaire, puisque du collage hétéroclite résulte  un ensemble plus grand que la somme de ses parties.

Personnellement, même s’il me revient d’avoir proposé ce nouveau défi oulipien (Voir la rubrique des  Explorations et découvertes en vue des Écrits collectifs), je ne me perçois pas  comme une éditrice chargée de la production d’un texte fini et léché. J’apprécie la liberté permise par la contrainte retenue qui emmène ailleurs quitte à s’y perdre un peu. Le processus m’importe davantage que le produit qui en découle, même si le texte obtenu  dépasse toujours mes attentes.

Enjeux textuels et échos dialogiques

Je constate, à la suite de tous les Oulipiens, que même si la liberté semble au départ enfreinte ou compromise par l’impossibilité du recours à certaines lettres, on assiste  au contraire à l’éclosion de petites merveilles puisqu’il importe de trouver une manière de dire  autrement  ou  d’énoncer plutôt autre chose en cherchant. Comme  le résume si bien @ZéoZigzags : « … je me bats, me bagarre avec les mots barrages et j’adore ça. »

Encore fallait-il rédiger en continuité : un défi de taille, car elle nécessitait la lecture attentive des énoncés préalables. Une lecture encore plus difficile, cette fois-ci, car l’instabilité de Twitter, au cours des dernières semaines, m’est apparue fortement dissuasive. Comme l’a  si bien constaté @Thaelm «Dans un jeu (car c’en est un) de ce type, certains moments sont particulièrement vivants pour le participant. Ce sont ceux où il sent que visiblement celui qui a écrit a lu son texte (en guettant le tag) et se l’est approprié. Parfois le vocabulaire même, dans ses inventions (ses contournements pour satisfaire la contrainte) reçoit des échos qui donnent à une clairière du texte un climat, puis on repart … vers de nouvelles aventures avec un souffle provenant d’une autre voix, un jet d’une autre plume et le hasard fait que cette nouvelle mélodie s’intègre (dès le début, ou peu à peu) à l’oeuvre.»

Oui, c‘était avant tout un jeu twittéraire  et  même si  @Alcanter mentionne que c’est «Toujours un plaisir de participer à ces cruci-fictions !
 Les mots ont couru librement, au gré des songes de rêveurs attentifs… », il fallait néanmoins y collaborer pour constater à quel point l’expérience de la centration sur la matérialité du texte est exigeante  et porteuse.  J’ai voulu laisser le texte se produire jusqu’à ce que je perçoive de l’essoufflement, mais il y avait des rebondissements qui survenaient sans cesse. On aurait pu continuer encore longtemps, mais le but était atteint, soit celui de prouver l’intérêt du recours à ce genre de contrainte.

Les commentaires reçus, quels qu’ils soient, s’avèrent  toujours infiniment précieux, car ils contribuent à resserrer  le continuum écriture-lecture-écriture en rapprochant les coauteurs de leurs lecteurs. Ils rendent possible un dialogue  véritable en amenant des mises au point ou des précisions, constats et  encouragements, réflexions  partagées, conscience des enjeux, fierté d’avoir participé, etc.  L’originalité consiste cependant ici à ce qu’ils aient été reçus durant l’élaboration collective de la fiction et non seulement à la toute fin.

Écrire et comprendre… mais quoi ?

Certes, on peut  émettre un jugement global et questionner un  texte en devenir. Il est vrai que  la fiction empruntait  parfois des chemins de traverse, jusqu’à devenir un peu labyrinthique comme le mentionne @WinCriCri : «Le texte devenait parfois difficile à suivre. Un chemin tortueux pour ne pas dire tordu qui nous mènerait où ?» Par moments, on pouvait se demander à la suite de @ZeoZigzags : «Anne, ma sœur Anne, que va-t-il t’advenir ?» L’axe de lecture-écriture davantage resserré nous aura permis de naviguer dans ces eaux houleuses au risque de s’y noyer.

Cela m’aura permis de repenser à Catherine Tauveron qui oppose les textes lisses aux textes résistants, en raison de leur ambiguïté notamment, qu’elle partage entre les textes réticents (qui programment délibérément des problèmes de compréhension) et les textes proliférants (qui suscitent des  interprétations multiples). A posteriori il est possible de constater qu’ Évasion est bien un texte proliférant, même si  rien n’avait été décidé avant les émergences sémantiques survenues.

La richesse interprétative

Réalisme magique ou merveilleux,  subversion de l’imaginaire fantaisiste, absurde humoristique assumé, tous ces éléments apparentés au  registre  du  fantastique par le relais de l’onirique, se sont chevauchés en  télescopages volontiers ironiques en  cultivant des zones d’ambiguité dans lesquelles il pouvait  être facile de s’enliser.

De l’accumulation  des images, de cet  amalgame parfois déconcertant, a émergé tout de même une logique narrative particulière invitant à diverses tentatives d’interprétation. Le magico-réaliste n’est pas toujours évident à cerner au delà de ses  exubérances. Comme l’a souligné @WinCriCri «… cet itinéraire déroutant (…) fait appel à notre inconscient collectif, un univers onirique dont le fil se tisse pas à pas, d’un mot à l’autre, en les associant plus par leur sens symbolique, leur sonorité, leur prosodie qu’à leur sens littéral.» Il y a toujours du sens à un texte littéraire, mais pas nécessairement le même pour tous !

Transtextualité et culture

Je pense que l’on active toujours en lisant   un réseau infini et enchevêtré de relations immatérielles et symboliques dont certaines sont plus prégnantes que d’autres (ex. l’héritage des contes, oeuvres artistiques connues). Étant donné qu’on lit nécessairement en fonction de notre culture personnelle, cela justifie que plusieurs lectures interprétatives d’un même écrit soient possibles. À cet égard,  vous avez certainement pu remarquer que se sont profilées en filigrane dans Évasion des références à Baudelaire, Carroll ou Wagner (merci  @LucBentz)  et sans aucun doute à plusieurs autres hypotextes tels que « Anne, ma sœur Anne…».  Comme quoi même l’onomastique n’est jamais  innocente !  Des traces fantomatiques se détectent  inévitablement dans un texte comme celui-là et plusieurs autres demeurent certainement à découvrir.

Littérarité ambiante

Depuis Roman Jakobson, ce qui est reconnu comme littéraire est loin d’être unanime.  Pour  simplifier, je constate que l’on attribue  d’emblée ce statut  aux textes qui invitent à une lecture de plaisir. Il me semble  cependant plus porteur de chercher la spécificité du littéraire au niveau du maniement de la langue (rythmes variables, images fulgurantes, figures telles que des allitérations, champs sémantiques thématiques, tournures syntaxiques recherchées, inventions ludiques, néologismes, dérives lexicales…) qui permettent d’échafauder et de sculpter des œuvres d’art avec des mots.

Métaniveau, métalepse et perméabilité des frontières

Entre l’intérieur et l’extérieur d’un texte de fiction, les frontières parfois s’estompent ou se transgressent délibérément. Le texte  peut ainsi s’ouvrir en amont lorsqu’on observe l’inclusion d’un autre niveau, en faisant état de la présence  d’un auteur  et de sa relation causale avec son œuvre (ou une partie de l’œuvre collective en ce qui nous concerne). J’ai  beaucoup apprécié cette forme d’intrusion auctoriale. Semblable  aux didascalies, le métaniveau explicatif léger aura permis de concilier le réaliste et le merveilleux. Je rends grâce à la narratologie de Gérard Genette d’avoir  reconnu l’intérêt de lamétalepse dans les œuvres préoccupées de littérarité.

Cette présence avouée de l’auteur dans un discours parallèle et complémentaire, me semble avoir contribué à la  fusion narrative. Malgré la distanciation opérée en raison de cette infiltration omnisciente traversant tous les niveaux du texte, cette intrusion manifeste nous a ramenés à la  dynamique de l’écriture et à ses enjeux, lors de l’expression de réticences ou en entrouvrant d’autres possibles (ex. Le lecteur ici se demande : le démon ? un autre amant ? le lièvre ? Et comment a-t-elle du courrier «de l’autre côté» ?) . Dès le début de la fiction, le passage du JE au NOUS   invitait  subtilement à la solidarité et  contribuait à l’installation d’un esprit de connivence. Merci @Fonsbandusiae d’y avoir songé et @LucBentz d’avoir installé manifestement le procédé vers la fin du récit.

La créativité exacerbée

J’ai observé durant le processus d’élaboration des prouesses manifestes : se passer du «pas» lors des négations a nécessité des contournements et des élisions intéressantes. Le recours à un autre jeu de fontes pour supprimer le jambage (ex. « film » au lieu de « film »), l’utilisation de majuscules (ex. DRAGON et non dragon), ont maintenu l’esprit du jeu. Le recours au vieux français (ex. onc, mistère) ou au latin (ex. deus ex machina…)  s’est avéré par ailleurs fort judicieux.

J’avais pensé proposer aux twittérateurs engagés dans la fiction de soumettre leur propre fin parmi lesquelles chacun des lecteurs aurait pu choisir sa préférée. Un twittérateur @LucBentz m’a heureusement devancée et le récit a pu se terminer sur une note inspirée sans doute du Finnegans Wake de James Joyce, ce premier roman circulaire décisif.  En effet, la structure retenue pour clore la fiction m’est apparue  fort appropriée pour témoigner des pensées autotéliques qui tournent en rond, de ce serpent qui se mord la queue dans l’imaginaire mexicain.

Vers un accroissement de la  lisibilité

Vous avez pu constater que j’ai décidé de  fragmenter le texte déjà long en plusieurs paragraphes  durant le processus d’élaboration afin d’en accroître la lisibilité.  J’ai attendu cependant un bon moment avant de faire ressortir  les sections que j’y percevais et d’y  adjoindre conséquemment des intertitres respectant la consigne (donc sans jambages) induisant a posteriori un semblant de séquences : Rêves inassouvis ; Inconsciences riveraines ; Murmures, murs, marées ; Vice-versa ou écran-cinéma ; Errances ou connivences ; Scénarios désaxés ; Ennuis réenchantés ; Réminiscences enserrées ; Délires excessifs ; Dérives en miroir. Ce découpage discutable est éminemment subjectif, je le reconnais, même si  je suis en mesure de le justifier, ce qui ne veut pas dire qu’il ne puisse pas  y avoir d’autres options possibles.

À la recherche des  tweets perdus…

Des tweets égarés ? J’en ai retrouvé partout, même sur  les fils connexes des collaborateurs. L’impression d’en laisser fuir malencontreusement m’a habitée du début à la fin de cette expérimentation oulipienne.   Le désir de les retrouver à tout prix a accru ma volonté de ne point me sentir piégée par  cette plateforme de microbloggage  devenue soudainement capricieuse.

Comment des gazouillis regroupés sous un même mot-clic  (#sansjambage) pouvaient-ils se déplacer à ce point sans avertissement comme si un magicien malicieux s’amusait à  leur jeter un sort ? J’avoue  avoir vécu un test de détermination,  car les tweets jouaient  volontiers à saute-mouton, gambadaient à leur aise, disparaissaient, réapparaissaient au gré de leur fantaisie. Pas bien  grave quand la séquence d’enchaînement n’est pas importante, mais  dans le  cas présent c’était  plutôt dramatique. Quelle idée aussi d’appeler un texte Évasion : même les mots  ont  eu envie de s’enfuir momentanément ou pour de bon!

Pour contrer l’instabilité de Twitter

Voilà pourquoi j’ai décidé de publier au fur et à mesure (même si je sais que ça ne se fait pas)  en mettant le texte à jour graduellement  au lieu d’attendre que la fiction soit terminée, puis finalisée. Vous constaterez conséquemment que la date de publication coincide avec celle du lancement du projet au lieu d’afficher la date de complétion, soit le 21 décembre ou onze jours plus tard. Comme avantage, j’y ai vu la facilité de lecture pour les collaborateurs  afin de susciter de meilleurs enchaînements.

Il y a cependant des conséquences à assumer lorsque l’on fait ce choix : une virgule qui manque est aussitôt signalée, une coquille décelée est aussitôt rapportée. Les premiers commentaires  affichés  en témoignent et c’est sans compter  les messages directs  reçus parallèlement. Certaines personnes n’ont pas hésité  non plus à me suggérer la substitution d’un mot dans l’un de leurs tweets.  En cours de rédaction, j’ai observé avec bonheur que certains participants  ont  reprécisé les règles du jeu à de nouveaux participants  en leur  signalant parfois même des écarts à rectifier. J’ai donc moins eu à le faire cette fois-ci, et j’ai vu cette vigilance comme un signe d’engagement. J’ai vivement savouré l’impression de la cocréation en direct et grandement apprécié cette collaboration éditoriale. En effet, il y a eu du nouveau cette fois, puisque j’ai   reçu constamment  de l’aide pour la relecture, en raison de la publication graduelle, car chacun a veillé  à ce que j’aie bien reçu et inséré correctement  ses gazouillis.

Constats et questions en suspens…

Il m’apparaît plus facile de critiquer d’emblée ce genre de texte  coproduit que de s’impliquer au plan rédactionnel. Bien sûr que la critique peut venir facilement, mais  voyons un peu la facture innovatrice de l’expérience : des inconnus d’un peu partout sur la planète collaborent étroitement à l’élaboration d’une fiction oulipienne à partir d’une contrainte bridant la spontanéité pour concocter une production commune que je trouve plutôt réussie.

Je tiens donc à remercier chaleureusement les 21 twittérateurs motivés qui m’ont fait confiance et qui m’ont accompagnée dans cette aventure passionnante. Il ont participé à divers degrés  à cette polyphonie scripturale. Il me fait plaisir de souligner, avec reconnaissance,  leur collaboration généreuse selon leur ordre d’implication:  @Fonsbandusiae @georgesgermain  @cricriecri @Wincricri @tanguyblis @sstasse @nathcouz @forkast @LirinaBloom @slyberu @dawoud68 @enilorac14 @Sylvain_Pierre @Thaelm @charliebuz @Alcanter @Strofka @Loic_Is@ZeoZigzags @LucBentz @Chositude

Des questions m’habitent encore :  Le fil d’Ariane souhaité par plusieurs collaborateurs est-il vraiment nécessaire ? Peut-on vivre avec  le perfectible et même s’en délecter ? L’écriture collaborative peut-elle  être davantage facilitée ? En attendant, je me réjouis fortement de l’esthétisme de cette oeuvre twittoulipienne  constituée de longs rubans textuels comme  autant d’ancrages visuels intemporels.

P.S. Je souhaite vous rapporter une anecdote significative : j’avoue avoir vécu un moment de bonheur lorsque l’un de nos collaborateurs nous a  mentionné qu’il s’amusait  avec son fils à jouer à #sansjambage. Mais la suite m’a encore fait plus plaisir : non seulement ce jeune de 12 ans s’est ouvert un compte Twitter sous la supervision paternelle, mais il a même osé participer. Même si je n’ai pas pu accepter plus que la moitié de son gazouillis (en raison d’une rupture de continuité), j’ai constaté que l’intérêt était là. Depuis, je songe sérieusement  aux transpositions oulipiennes possibles en didactique de l’écriture, notamment pour accroître la motivation des jeunes en leur offrant la possibilité d’explorer de manière ludique les ressources de la  langue.

Addendum-1- (18-01-2012) Combien de tweets au total pour #sansjambage ? Merci  @charliebuz d’avoir songé à me poser  cette question. Au total, il y en a eu 166. La participation s’est déployée ainsi : 15 personnes ont commis moins de 5 tweets, 3 autres entre 5 et 10 tweets, 2 (dont moi) entre 10 et 20 tweets et 2 ont assumé  respectivement 36 et 42 tweets, donc 47 % de l’ensemble. Une fort belle  participation où c’est la qualité qui compte et où un seul tweet bien senti pouvait faire basculer la fiction. Merci  à tous!

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ÉVASION : une fiction collaborative oulipienne et twitterienne

ÉVASION

« Enivrez-vous sans cesse ! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. » (Baudelaire)*

 

Rêves inassouvis

Anne, en amoureuse, savoure avec assurance son mimosa rosé. Son anniversaire ravive encore ses souvenirs sereins. Elle se remémore sans cesse ses errances vécues. Avec un rire, comme on aime ou comme un souvenir, Anne sème ses rêves, aux rives des ruisseaux. Car demain verra revenir son amoureux si rare. Oui, la mer ramènera vers son coeur son amoureux armoricain aux murmures suaves. Elle aime croire en sa venue imminente, mais sera-t-il au rendez-vous?

Rien n’est moins sûr, un amoureux rare sait se faire désirer. Nous croirez-vous? Nous sommes visionnaires et connaissons ce môme. Nous savons. Son âme dans un navire rame en sens inverse. Son âme marine anxieuse emmure une nécessaire ivresse inassouvie, une armure suave, coeur à coeur, vice sans norme. Mais six mois en mer sans se voir! Sans connivence ou conscience excessive, rien ne va raviver en mémoire ces souvenirs enracinés. Anne se sermonne: un anneau en or dans sa main ramène à son aimé.

Elle ouït aux docks la rumeur d’un bateau coulé mat et tillac. Serait-ce le sien? Émue, blême, Anne serre son anneau contre son coeur: « Non, non, non… » Son oeil fouille la brume naissante. Rien ne couve sous ce crâne, rien ne couvre son âme, zéro armure, rien. Mourir, ô désastre de l’amour, adieux retenus en soi, larmes ravalées, torturant l’aimée, rires éteints, noir iris errant, cris.

Inconsciences riveraines

Là-bas, sous une lune éclatante, Conan, inanimé, est couché sur le sable. Une mouette babille à ses côtés. La marée monte. Bientôt sa chair sera couverte  de lames sombres et l’aventurier mourra dans les abîmes marins. Mais les Ave Maria d’Anne caracolent sur les flots et réveillent Conan à moitié recouvert d’écume. Aura-t-il la force de se lever? Ses membres sont comme noués, inanimés, vidés. Il serait insensé de terminer ainsi. Dans un dernier effort, le barbare cimmérien se lève, s’ébroue. Il est beau: ses muscles saillants luisent sous les astres. Et la lune mâtine se mire avec bonheur sur cette mâle musculature. La marée menace, mais l’âme animale se ressaisit. Une eau si claire n’a sur son écume de mousse rase. Anne! Cette idée le ravive. Il se hisse et arrive à s’enfuir dans l’île. Conan court à chercher son souffle mais le désir le ravive.

Anne va voir au loin. Son coeur devine où se rend son aimé, vers un mur  en ruine. Un désir nouveau s’insinue au creux de ses reins. Elle lutte mais en vain: tout l’incline à succomber à la douce tentation. Elle décide alors de se sauver sur un radeau, sans rames ni voile, afin de voir, à travers ses lunettes voir, où échoua son élu. « Eh merde ! » se dit-elle: le ciel se couvrait. À travers le brouillard imminent comment retrouver mon cher élu de mon coeur? Vole l’embarcation sans cette chose sous l’eau faisant tenir droit le bâtiment entier, sans rien dessous du tout en fait. Tension commune, union virtuelle, les obnubile. Se reverront-ils? Le scénario ne nous en convainc. Mais sa vie, son avenir, ne se rêve sans amoureux. Vraiment?

Murmures, murs, marées

Son radeau sancit, une masse informe ose s’avancer vers Anne. Caner ou se mesurer à une aorasie? S’en animer avec audace? Anne ne sait, mime l’avance, mais n’ose. Mains immobiles, âme mue en tous sens, Anne erre en la contrée indécision. Sans issue? Sous  ces cieux menaçants, Anne a cru son amoureux condamné. Son âme anéantie, nue, sous une marée ennemie. Susurre succincte amène reviens, à même te retiens, mûrie, encore, en vain. Mais une rumeur, comme un murmure, annonce une avancée vers un monde connu. Monde sans dessous, seulement un tantinet de dessus, non sens, dessus non dessous, monde curieux, raie surface sillon inverse. Anne reconnaît sa vision, ce mur vu en rêve, en ruine dans un marais. Si on avance, on va voir dans un coin son ami en sûreté.

Misère! Conan se meurt, raccourci: un cénacle de caïmans araucaniens se délecte de ses fumerons… AAA ! Anne cria, couina, crâna, écuma, remua sens dessus dessous, récusa, sua, ranima, cuva, urina et cria encore : « meurs ! » Son coeur crama.

Vice-versa ou écran-cinéma

Conan avait un clone… Conan deux va vers Anne évanouie. « Conan, âme de mon âme ! » Anne revit ! Avec un sourire réarmé Anne va vers Conan deux, un nouveau ruisseau aux eaux vives coule en son  âme. Elle va vers une vision ensorcelante ou vers son essence même, une invasion exercée au coeur de sa conscience. Le clone Conan est confus, un caïman aura eu raison d’un morceau de son anatomie. Son âme, son essence ou… Ce Conan numéro un avance vers sa masure.

Nous reconnaissons sa cassine où ira ruminer sa misère, où s’usera son éros soumis. Masure, maison, cocon ou cassine…viser à se remémorer un aimé numéro un ou numéro deux, ou même numéro six ? Numéros sans mémoire. Amnésie. Où sont nos anciens neurones envolés ? Un demi lustre s’écoule ; mamie zinzin désaxée chouine sur son adulescence en allée…« Rosebud » murmure-t-elle encore. Les voies aériennes ou cavernes sises au coeur de soi amènent à mieux circonscrire ces événements-miroirs excessifs. Se sauver, se casser de l’île du malheur… Aérien ou sous-marin, s’enfuir et fuir une amnésie. Revenir à la source, se nourrir à l’essence même. S’ouvrir, recréer sans cesse son univers, se cuisiner un avenir à sa manière, à sa mesure. Avec succès sans semer  ces zizanies. Son univers : son écran-cinéma où se crée une oeuvre 3D insensée.

Errances ou connivences

Ramenant à soi ses couvertures, le rêveur d’Anne se secoue. « Ma créature s’en va, ressaisissons-nous ! » Anne soumise suit une voie sans issue, mais une voie mauve et suave où n’errent ni dieu ni démon. Anne se sait sans armure sur sa sinueuse voie de soie. Elle se sait menacée. À suivre ses envies sans examiner ses ruses, Anne mène, sur une même voie, en sens inverse, une suave reine et une âcre sirène. Dans un coin, une souris esseulée rumine sans ironie, un oeil sur la scène. En misère noire, Anne ouvre un sac, insère sa misère en ce sac, noie… Sans rien en arrière, Anne avance vers son avenir. Halte aux années évanouies à casser, crier, recréer, caresser, censurer, vénérer ces cerceaux-souvenirs cérémonieux.

Mille saisons aux cimes écrasées se sont évanouies. Anne rassérénée a recommencé à vivre. Une trace mince de son rêve, rêve de sa vie vécue, demeure au réveil, erre au sein des eaux vives et amères de sa conscience. Six années avariées à mesurer un univers sans orées ni mur, sans arrière, sans aucun avenir, Anne écoeurée ravive ses souvenirs. Un coussin noir cousu main,  une arme acérée en inox, rosie, un carré en soie où on avait vomi une sève moisie… Une scène s’ouvre, une scène se mure. Anne n’ose une vacance en ses aventures avec son dernier amoureux. Un examen sérieux aurait montré à Anne une carence immense de ses ressources mentales. Mais aucun médecin ne l’observa. Irraisonnée, Anne visa une mission malaisée à saisir et mit son  entière verdeur à son service. En vain ! Six mois en arrière, accusée sans indice, condamnée sans aveu, Anne osa braver la cour, s’évadant en traversant les murs. Désormais, Anne demeure en sa maison comme en un vase sacré. S’ouvrant aux romances intérieures, à ses rêves, à ses amours.

Scénarios désaxés

Un matin, Oiseau tambourine au carreau. Anne n’ose demeurer recluse, ouvre. Oiseau devient Cordonnier Charmant, mande sa main. « Insensé cordonnier, si charmant sorcier, venu à moi sans  annonce, se marier ? vraiment ? Ma main se mérite. Vois comment, reviens demain. » Comme sa scie, notre insoumise, renversée, ronronne, marmonne son ire : ce commerce ne rime à rien. Cordonnier renonce et s’envole. Anne couine, crie, voudrait revenir sur ses mots. En vain, Cordonnier a choisi d’être Oiseau. Anne seule en larme devant son miroir se sert un verre de vin sans savoir si reviendra encore un autre ami ailé.

Une ancienne connaissance, un ami, écrit à Anne une missive bavarde. Anne ne lui retourne rien, Anne veut un amour vrai. Anne saisit ses couleurs et dessine aux murs, en sa rue, un emblème inconnu mimant sa détresse. Tant de mots inutiles, de médiocres serments, de vides sentiments. Mais une suave envie : écraser le sexisme commun, ces insensées âneries, réunir en âmes aussi  sexe à zizi comme sexe à seins. Le mur se fissure. En émoi, on susurre vicieusement. Un ennemi? Un ennemi immiscé sans cesse encore en ces coins surannés où se conserve son âme. Où se consume son âme acrimonieuse en immersion casse-cou. Croire ainsi en un soi uni ouvre une voie vers un univers sans nom.

Une  voix annonce au loin :  « Anne reverra son âme un matin de lune ronde si un oiseau dit son nom en mi roses ou en ré carmins. » Anne essuie ses mains encrassées, s’ouvre à son envie, accuse sa manie, renie ses erreurs. Elle veut revoir son âme, reine morne coincée en un univers monotone. Enfin une trêve survient. Anne en use afin d’exiler ses tourments. Anne s’enfuit une fois encore en ses rêveries sans nuance. Une oeuvre au clavecin se donne en un domaine de verdure, savoureuse et aérienne. Anne murmure  « Comme cet air est avenant ! » Le musicien au clavier va vers Anne. Comme une adolescente, Anne a le coeur malmené. Un cri écrasé s’évade de ses lèvres. Accroc rarissime aux normes, aux manières, Anne va vers ce musicien, serre ses mains sur son cou… Evanouie Anne s’en va en Amour. Sans secours, sans issue. Ici, on ne remue pas sans ruse ces vues roses minimes, rêves avec sucre mou, amer, messieurs. Cran ? Oser ? Anne sait cela, oser ! Oser ouvrir un accès, s’insérer en un nouveau seuil, coucher sa chair sur une immensité innocente.

Ennuis  réenchantés

Anne s’ennuie à nouveau. Ce n’est rien dû aux mornes services fournis ici à ses sens, mais à l’absence souveraine de menace. Anne voudrait voir ces accrocs corroder le cordon noué à son coeur. Désormais sur une voie sans retour, à elle d’avancer vivante, recouvrer l’anneau ancien en or, ouïr au matin l’oiseau réveillé. Miette à miette de vie, exorcisée de l’ennui, Anne se déracine, s’écorche vive, incise son aubier. Étincelle, fusion, Anne se consume. D’Anne ne reste rien hormis le coeur. Écorce et aubier ont brûlé. Son avenir s’éclaire. Anne est un astre en fusion, un fût de chêne, une comète en feu. Anne sue. Elle s’essuie. Elle sourira au soir rassurant : elle aime Nix. Le noir  calme Anne. Elle va sur sa couche avec un roman rose. Anne sue, elle s’essuie. Elle sourira au soir rassurant et ouïra rassérénée, un nocturne. Revenue adoucie en sa maison — le nocturne a modéré ses ardeurs — Anne s’étend sur sa couche devenue innocent ornement. Comme  Anne s’ennuie à nouveau, rêve à une évasion, en sa case à courrier une missive arrive. On annonce en cent mots un concours de cerveaux. Anne, intéressée, s’inscrit enthousiasmée. Anne est mot-maître et le vent souffle à 256 km/h. Anne élide et revient au concours de cerfs-veaux lents.

Minou se love sans un son sous son cou, caresse sa main en soie. Sa saveur s’avère sucrée. Sans soucis, voici créés six noms. i-i-i-… une souris ? Minou ? annonce une écrivaine amusée. Saisi, excité, ivre, Oto, émissaire en mission, cerne sa victime. Anne s’est mise à boire, à absorber marc caverneux, eau-de-vie encaissée, vins variés. Enfin Anne connaît un sommeil sincère. Mais, très vite, son sommeil se trouble. Elle a bu et l’abus nécessite un remède. Elle se réveille, moite, et veille, coite. Elle boit, de l’eau cette fois. Anne s’humecte, mais son crâne s’entête. Elle ouvre la fenêtre, s’aère et s’enrhume sans  rhum. Anne clôt sa chambre. L’ air l’a réenchantée. Le rhum ni son arôme ne troublent onc son sommeil. Une boîte de Kleenex est là. Anne maintenant se sent en elle-même, en elle et hors d’elle… Elle se sent venir des ailes. Elle croit s’envoler et choit sur le tapis. Combattre le mal avec le mal : elle choisit l’arôme du rhum. Notre amie nenni n’ânonnera. Un si suave arôme mué en vive envie. Créer. Muse couvre amusée ce verso ! Romancière, sa voie.

Réminiscences enserrées

Le lendemain douloureux, nauséeux. L’odeur du rhum renversé sur le sol, relent atroce, s’acharne sur son crâne lancinant. Le miroir morose, amer, cerné d’une nuit cuisante, échec. La scène saisissante révolte Anne. Un incendie déchire ses  entrailles. En un cri, Anne brise la vision venimeuse en mille morceaux de malheur. Encore une halte en ce chemin aux nombreux cahots. Anne examine le livret de sa vie. Anne croit discerner une fausse note. Ce soir, Anne va réécrire sa vie, réviser ses réminiscences, enserrer ses rêveries en mores successives, en rimes inouïes. Ces traces neuves Anne les veut harmonieuses. Anne mande son avis à un ami sorcier.

Son ami nécromancien assaisonne en sa cuisine un venin sans saveur. Un verre avec une sucrerie ouvrira une issue, inversera son avenir. Du verre au miroir à franchir, Anne ne saurait hésiter. Elle se lance et s’élance du côté d’ailleurs. Miroir traversé, Anne, saisie, sous une remise retirée, découvre un lièvre crème au mince minois. Anne salue l’animal. En ce lièvre minuscule se dissimule un savant oracle. Sans ouvrir ses lèvres, ce lièvre annonce à Anne médusée, une rencontre avec démon. Anne consulte sa montre comme l’eût fait le cousin du lièvre. Il est midi. Anne se farde. Hammam, soins aux mains, aux chairs, eau aromatisée. Une scène décisive de sa vie avance. Son coeur boxe son âme.

L’âme d’Anne, sonnée, s’étale sur le sol où le démon, soudainement, s’en vient la ramasser. Anne s’en sort en lançant un livre sur le démon douillet. En larmes, il lâche l’âme d’Anne qu’il voulait en infusion. Mais Anne en fusion avec son  âme se rit du douillet démon avant de fuser ailleurs loin du lièvre livreur. Anne remet de l’ordre dans sa coiffure et va son chemin. Pourtant, le démon caché la suit. Ce démon nommé David se sait douillet, mais il se sait aussi rusé et discret. Anne méconnaît ses traces : simule-t-elle? En tout cas, sans souci ni trouble dame. Comment semer un démon suiveur et éventuellement amoureux ? Anne sonde le Lièvre Oracle. Un conseil arrive en retour : « Mime ! » Mais Anne, qui ne méconnaît rien de la Tétralogie, sait devoir se méfier de Mime. Soudain son oeil s’éclaire. Anne va mimer l’amour, son suiveur en sera désarmé, Anne en fera un Samson rasé.

Délires excessifs

Elle a tort : le démon mutin matera à s’en émouvoir, s’enflammera, s’amourachera, dira « mon âme » sans la vouloir dévorer. « David, se dit-elle, n’est onc un démon ennemi. » De l’autre côté du miroir, elle craint moins les démons. Un lièvre… levé ? Elle ouvre la missive. C’est lui. (Le lecteur ici se demande : le démon ? un autre amant ? le lièvre ? Et comment a-t-elle du courrier « de l’autre côté » ?) Pourtant, en sa case à courrier, un seul envoi : celui de l’oncle Tom! En rêve, elle ressent ses torts. Au réveil,  Anne réalise combien son suiveur est une occasion à saisir. Anne se donne. Nirvana ! L’oncle Tom, étonnamment bibliomane, lui annonçait un livre à la limite : « Cédille » était son titre. David le douillet démon lui offre de montrer ses tomes at home : là le lièvre a livré tous ses livres. Anne le suit sans souci.

Anne se rêvasse enfant. En cours, on lui réclame ses devoirs, une oeuvre à lire, en un tome, Anne scrute sa case. Anne ne s’est assez méfiée. Ils ont marché devant l’antre de Mime où les exhalaisons sulfureuses du DRAGON l’étourdissent. En sa case aucun volume, Anne s’alarme. On insiste. « Votre oeuvre ? –noires craintes– vos devoirs !? » Anne a thème aujourd’hui mais elle n’a pas la bonne version… Anne a Lise près d’elle qui rêve… Anne est gâchée ! Mais Anne rêvasse toujours. On lui réclame une thèse et comme  dans l’ancien monde, une thèse seconde : en latin. Ah ! délires…

Dérives en miroir

De l’autre côté du miroir, sur un frêne, un chat attend. Le chat est AUSSI de l’autre côté du miroir. Cet événement rend un deus ex machina nécessaire. Le voilà : une carriole venue des cieux arrive vers Anne. Le chat observe: David le démon douillet a eu Anne, Anne a Lise. La carriole arrive. Anne a un rire canin. Ses canines se vexent, se désunissent. Le sourire d’Anne s’en va. Le chat est rassuré. Le démon attendri caresse le chat, mais il est aller…… Atchaaaaat! Éternuant, le démon s’ébroue et retrouve forme humaine. (C’est le moment où dans un film la suavité des violons domine la bande-son.) Le chat, au débotté, se fait conducteur de char. Lise s’est évanouie avec une nuée. Comme Anne niche en un univers curieux, où non ramasse oui, inconstance escamote vrai, où faux est roi, Anne se sent reine. Mais Anne se sentait bel et bien reine de  coeur. (Curieux, non ?) Comment la carriole franchit le miroir est un autre mistère (un médiéviste le narrerait mieux.)

Un, six, onze, seize amants. Russes, Roumains, Suisses, avec aisance, envie, avarice même! Une vie consacrée aux muses amènes ! Anne se remémore sans cesse ses errances vécues ou rêvées. En amoureuse, elle savoure avec son amant son mimosa rosé.

(FIN)

* BAUDELAIRE, Charles (1961). Oeuvres complètes, Paris, La Pléiade, p.286 (Le  Spleen de Paris, XXXIII- Enivrez-vous)
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ÉVASION : un nouveau défi collaboratif oulipien!


Vous connaissez la contrainte du prisonnier? Il s’agit d’une contrainte littéraire établie par l’OuLiPo et que @Strofka nous a proposée l’été dernier dans  ses histoires en  3 mots. Elle nous emmène hors des sentiers connus, d’où son intérêt manifeste. Pourquoi ce nom? Tout simplement parce que les mots autorisés ne comportent ni hampes ni jambages (ces parties  des lettres minuscules qui s’iscrivent au-delà  ou en deçà de la ligne de pied) afin de dessiner une structure lisse, étroite comme un ruban, et pouvant  s’insinuer entre les barreaux imaginaires d’une  symbolique prison textuelle.

Apparentée en quelque sorte  au lipogramme puisqu’elle interdit l’utilisation de certaines lettres, cette contrainte demeure toutefois difficile à appliquer.  Cependant, l’entreprise me semble réaliste  et j’ose espérer qu’ il  n’est pas impossible de tisser, à partir d’elle,  un texte en continuité. Selon la contrainte oulipienne initiale, les seuls mots  susceptibles d’être retenus sont constitués des lettres sans hampes ni jambages, donc uniquement des lettres suivantes : a c e i m n o r s u v w x z. À  titre d’exemple, voici deux extraits des 3 Word Story provenant de @Strofka lui-même et  qui  en laissent entrevoir le potentiel littéraire :

« Nions nos amours convenues, nos rires amers »

« Encrassons nos armes, crions nos envies. »

Vous constaterez que seuls les points sur les « i » dépassent quelque peu. Cette contrainte, de même que toutes les autres contraintes oulipiennes, a le mérite de centrer notre attention sur la matérialité du texte  à produire, ce qui n’exclut nullement une préoccupation à l’égard de la  cohérence au plan de la narrativité. Par ailleurs, nul besoin du respect canonique des contraintes instituées, l’essentiel demeurant de trouver une façon de s’intéresser à la matérialité des mots pour  stimuler sa propre créativité.

Dans le défi proposé, en plus de ces points essentiels sur les « i », l’accentuation  de certaines voyelles sera également autorisée, de même que les majuscules en début de phrase. Mais puisqu’inévitablement des majuscules il y aura, pourquoi ne pas en profiter alors pour y glisser subrepticement d’autres lettres?  Et puisque des accents seront là, pourquoi ne pas inclure dans le texte des lettres comportant des hampes ( b d f k l t) pouvant  aisément s’y dissimuler? En effet, pourquoi pas? De telle sorte que ne demeureront expressément prohibées que les lettres à jambage inférieur telles que le g  j  p  q  y. Il faudra donc forcément apprendre à se passer notamment du JE et du QUE.

Vous êtes ainsi conviés sans tarder à coconstruire un texte suivi, selon le principe d’une histoire en chaîne, en inscrivant simplement  vos gazouillis les uns à la suite des autres, mais surtout  en tenant compte des  gazouillis précédents sur lesquels vous devrez prendre appui. Les défis  antérieurs proposés sur ce blogue ont tous été relevés avec un vif succès ainsi qu’en témoigne la rubrique de nos Écrits collectifs. Je souhaite ardemment que celui-ci vous intéresse également. Il s’agit évidemment d’un jeu littéraire et il suffit de  produire un seul gazouillis pour être reconnu  comme l’un des collaborateurs lors de la publication de cet écrit collectif.

Étant donné que la contrainte du prisonnier  vient d’être librement revisitée, je vous propose de conserver les dépassements vers le haut, mais  de ne retenir aucun jambage inférieur descendant sous la ligne de pied. Pour favoriser  la libération ou l’évasion de ce texte à venir, je vous invite  à  éviter systématiquement l’usage des lettres g  j p q y, ainsi qu’à restreindre le plus possible le jambage  supérieur.  Rejoignez-moi donc au mot-clic #sansjambage et envolons-nous, dès maintenant, comme des petits oiseaux twitteriens!

#sansjambage Anne, en amoureuse,  savoure avec assurance son mimosa  rosé. Son anniversaire  ravive encore ses souvenirs sereins.

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Retour sur l’expérience du twitteroman sans E


Contexte exploratoire

Avec le recul de quelques mois, je me rends  compte à quel point cette  coconstruction développementale d’ un twitteroman collectif était risquée. D’où m’était venue cette idée folle?  L’OuLiPo célébrait en 2011 son demi-siècle d’existence et je tenais à  le souligner  Envie de revisiter l’OuLiPo?! Puisque le mois de la nanolittérature venait tout juste de se terminer, l’occasion était belle  non seulement de conjuguer ces deux univers, mais encore d’y explorer des avenues encore peu fréquentées d’écriture collaborative. Évidemment, si le projet  a pu s’actualiser au printemps 2011, c’est grâce à l’implication confiante de ma communauté  twitterienne soucieuse d’innovation.

Pourquoi maintenant?

Étant donné que le thème du Congrès 2011 de l’AQPF portait sur l’énergie, j’y  ai vu une possibilité de partager, en compagnie d’@AndreRoux, cette expérience de cocréation  interactive   ayant eu lieu du 6 mars au  16 avril 2011, et qui a donné  Tourbillon (notre twitteroman sans E). C’est dans ce lieu bien nommé de la Cité de l’énergie (Shawinigan) que  la présentation  intitulée « Avec l’énergie de tous » a donc été offerte en ce 4 novembre 2011.   Il nous a fallu trouver a posteriori des objectifs pour ce projet, car  ils n’étaient aucunement prévus au départ.  Nous en avons ainsi choisi trois :

  • Expérimenter  au plan de la création interactive et collaborative
  • Innover dans le champ de la nanolittérature
  • Anticiper des transpositions pédagogiques possibles

Tous les documents remis aux participants ce jour-là figurent, en plus du diaporama, sur la page Google ci-jointe. Nous souhaitons qu’ils puissent éventuellement vous être utiles.

Accès

Gestion de l’incertitude

En lançant ce projet, nous ignorions  au départ combien de temps durerait l’expérience  et même  dans quelle mesure elle  serait concluante. Combien y aurait-il de chapitres, quelle serait l’histoire, quels seraient les personnages, en quels lieux et à quelle époque se déroulerait la fiction? Ce qui m’intéressait davantage, c’était le recours à une contrainte oulipienne pour centrer l’attention des collaborateurs sur la langue comme matériau constitutif.

Georges Perec, lu avec admiration il y a bien longtemps, s’est imposé à mon esprit puisque son roman La Disparition fait partie des curiosités littéraires que j’ai rassemblées au fil des ans. Même si la lettre E est la plus fréquente du français (14,7%), il a réussi  à créer un roman de 311 pages en quatre ans, sans  y avoir recours (parution chez Denoël en 1969). J’y ai vu un beau défi à relever collectivement sur Twitter. Rapidement,   un processus de cocréation heuristique s’est  enclenché puisqu’il s’agissait d‘emblée de faire confiance à tout le monde sans savoir qui participerait ni à quelle fréquence, en ignorant également si l’entreprise serait prise au sérieux. J’avoue que le processus m’intéressait alors davantage que le produit encore indistinct qui a émergé peu à peu.   Certes, j’ai  voulu restreindre   la participation en misant sur la difficulté de la contrainte,  l’inscription dans la continuité, l’insertion des gazouillis au bon moment sur le fil, etc. Heureusement que la  communauté twitterienne a fort bien participé. Non seulement elle a répondu positivement à l’invitation lancée,  mais elle a soutenu manifestement ce projet. En plus d’avoir observé un net engagement individuel puisque 24 personnes d’ici et d’ailleurs se sont activement impliquées,  j’ai constaté qu’il y a eu beaucoup d’observation participante ou cautionnante. Parfois, il faut consentir à vivre  entre nous au préalable un processus d’investigation avant de songer à le transposer en classe. Voilà pourquoi les différentes étapes de production ayant émergé peuvent gagner à être  mises en relief et partagées.

Les étapes du projet

On dit que la nécessité est la mère de l’invention et c’est dans cet esprit qu’une liste de « comment  dois-je m’y prendre? » a surgi induisant un climat constant de résolution de problèmes au cours des  six semaines de corédaction des six chapitres du twitteroman.  Si j’analyse ce qui a été fait, des opérations se sont déroulées non seulement sur Twitter, mais  également sur ce blogue  et, parallèlement,   au traitement de texte : une triade interdépendante et complémentaire. Le résultat fut la production d’un chapitre par semaine, car cette durée est apparue suffisante pour maintenir l’intérêt et permettre une publication continue du twitteroman. Voici chronologiquement les principales étapes de prise en compte de l’éphémère pour lui conférer une matérialité relative :

1- Annoncer le projet sur Twitter en incluant un mot-clic. (Invitation)
2 – Rédiger  le premier gazouillis suivi du mot-clic et même plusieurs gazouillis de suite pour bien lancer le projet  et pour tenir compte du 140 caractères (mot-clic inclus).
3- Ouvrir parallèlement un document Word pour  y transposer régulièrement les  traces intégrales des gazouillis et  leur provenance (@pseudos) et le garder à jour. (Voir, à titre d’exemple,  sur la page Google le cumul des gazouillis du chapitre 2)
4-Fusionner les  gazouillis en omettant les noms de leurs auteurs et en les apposant les uns à la suite des autres dans un autre document Word  devant être transposé en brouillon sur le blogue.(Voir cette étape dans le diaporama.)
5-Relancer  de temps à autre le projet en réajustant  le tir au besoin. Ne pas hésiter à participer souvent, principalement lorsque quelques heures se sont écoulées depuis la parution du dernier  tweet.
6- Annoncer à quel moment le chapitre en cours se terminera, la fin du chapitre et l’interruption provisoire du roman.
7- Finaliser dans WordPress  le texte collectif en ajustant la ponctuation, en insérant  des paragraphes, en  incluant les modifications demandées/obtenues auprès des collaborateurs concernés par l’entremise de  messages directs sur Twitter.
8-Trouver et inclure des illustrations inspirantes à des endroits stratégiques.
9- Trouver et insérer  les hyperliens souhaités (clips vidéos, informations crédibles) et vérifier leur fonctionnement  en prévisualisation.
10- Mentionner à la  fin de l’écrit collectif les  @pseudos des divers collaborateurs.
11-Publier et annoncer  sur Twitter la parution  du texte collectif. En profiter pour remercier les divers  collaborateurs  en indiquant le lien vers le  blogue.
12- Annoncer sur Twitter  l’ouverture du chapitre suivant, le commencer (voir étape 2) ou s’assurer que quelqu’un d’autre le fasse au moment convenu.
13- Conclure le dernier chapitre au moment jugé opportun et offrir le roman ainsi obtenu en epub en vue d’une existence autonome hors du blogue.

Implications  relatives à l’animation-production

Étant donné le lancement sans filet  de ce projet à durée indéterminée sans résultats prévisibles et la surgescence d’un jeu d’émergences successives (hyperliens, longueur, thématique, intertitres et titre, échéancier hebdomadaire, du blogue au livrel), diverses découvertes sont survenues nécessitant la prise en note en continu des constats, des irritants et des bons coups. C’est ainsi que  des  réflexions parallèles entrelacées à l’expérimentation  ont donné lieu à des billets additionnels. La publication en alternance de ces réflexions a  soulevé la nécessité de faire ressortir des ancrages théoriques et d’esquisser des pistes didactiques. En témoignent les Quelques réflexions liminaires concernant le chapitre 1, les Quelques réflexions adjacentes concernant les chapitres 2 et 3, de même que les Réflexions subséquentes en guise de bilan publiées à la suite des chapitres 4-5 et 6 du twitteroman.  On a donc pu observer :

  • L’importance de la contrainte oulipienne pour soutenir la créativité
  • Le resserrement de l’axe de lecture-écriture (intérêt de l’interactivité)
  • L’irruption du texte courant dans le texte à visée littéraire
  • Le traitement en hyperliens des référents culturels d’ici et d’ailleurs
  • Le développement heuristique de la fiction interactive
  • La présence de la lecture tabulaire et hypertextuelle
  • La confrontation des représentations individuelles
  • Les incidences pédagogiques de la non-linéarité et de la non concertation
  • L’émergence de formes didactiques nouvelles
  • La possibilité d’écrire/lire ensemble dans divers espaces-temps

Atteinte et dépassement des objectifs

Le projet a été accompli au-delà de mes attentes implicites. André Roux  a monté le twitteroman Tourbillon en epub, ce qui donne un roman illustré de quelques dizaines de pages comprenant également des hyperliens, et qui peut désormais se prévaloir d’une existence autonome hors du blogue qui  l’a vu naître.  Rappelons qu’il y a eu, par la suite, d’autres projets collectifs d’inspiration oulipiennne (mais  un peu plus modestes toutefois) et qui se sont échelonnés sur une semaine chacun : monovocalisme en E d’abord, puis en A-I-O-U et tautogrammes en duos (BD et TP). Peut-être y en aura-t-il d’autres, qui sait?

En ce qui a trait aux incidences à long terme, je rêve à des expérimentations diversifiées  en milieu scolaire, que ce soit au secondaire ou au collégial,  en raison des échanges amorcés lors de ce congrès annuel ou survenus depuis ce moment. Actuellement, la nanolittérature semble avoir le vent dans les voiles puisque le MELS (Ministère de l’Éducation du Québec) vient tout juste de subventionner une recherche-action impliquant @JYFrechette et @Annierikiki alias @AnnieSentiers. On peut donc s’attendre à ce que des pistes pédagogiques soient clairement identifiées et expérimentées afin de contribuer à baliser ces chemins de traverse d’une nouvelle forme d’écriture fragmentée mais pouvant, par moments, se réunifier.

En guise de partage : Grand merci à vous tous, très précieux collaborateurs,  sans qui rien n’aurait été possible. Je suis touchée que @JYFrechette ait  reconnu l’intérêt de ce projet collectif : « Ton apport à la twittérature aura permis au corpus québécois de se signaler par une stèle d’originalité : celle de l’oulipisation (sic) des projets d’écriture dans Twitter sur un mode collaboratif. (…) De tout rassembler dans une démarche twittérienne (les consignes oulipiennes et Twitter) cela marque une borne au-delà de laquelle nul ne s’était jamais encore commis. Cette spécificité proprement québécoise porte désormais ta signature. Nous devons te la reconnaître puisqu’il s’est agi d’amalgamer Queneau, Perec et cie avec l’esprit même du Web 2.0 qui se targue par ailleurs de collaboration par-ci et de communauté de pratique par-là sans presque jamais proposer de démarche concrète. Et tout ça sans compter l’apport théorique extrêmement précieux que tu offres dans ton blogue. (Jean-Yves Fréchette, courriel du 13 juillet 2011)
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Incursions littéraires facebouquiennes… en 3 mots !


Vous savez que la nanolittérature (dont la twittérature fait partie) me passionne actuellement. Le 14 juillet dernier, @JYfrechette l’a ramenée dans l’actualité au cours d’une entrevue accordée à Mathieu Dugal (Canal VOX) qui dresse l’état des lieux et laisse  entrevoir des possibilités infinies.

Il y a quelques semaines, j’ai reçu de @Strofka une invitation à participer sur Facebook aux 3 Word Story,* déjà existantes en anglais, mais pas encore en français. Trois mots à la fois, cela n’a l’air de rien… mais un nouvel univers s’est rapidement entrouvert, en nanolittérature de surcroît. Il n’y avait alors qu’un seul début d’histoire (À l’heure de…). Maintenant, il y en a plus d’ une trentaine en cours d’élaboration, provisoirement achevées ou même publiées. Moi qui ne voyais  encore  aucune utilité à Facebook et qui n’y allais pratiquement jamais, sauf pour commenter occasionnellement quelques faits, images et clips partagés par mes rares amis, je suis devenue rapidement accro. Eh oui, j’y vais maintenant tous les jours et même, je l’avoue, plusieurs fois  en guise de  micro pauses anticipées avec bonheur.

Je m’interroge fréquemment : Quels seront les 3 mots qui suivront les miens? Que fera-t-on de l’histoire amorcée? Les inscrira-t-on en continuité ou n’assisterons-nous qu’à des élucubrations insignifiantes? En effet, tout est envisageable… même si ce n’est pas toujours esthétiquement ou littérairement recevable selon mes critères personnels.

Pour compliquer la chose, qui représente déjà un défi en soi, les histoires initiées par @Strofka contiennent, pour la plupart, des contraintes d’inspiration oulipienne, dont  certaines que je connaissais intimement pour les avoir déjà explorées avec l’aide de ma communauté twitterienne (voir sur ce blogue la rubrique des Écrits collectifs).

Qu’y trouve-t-on présentement ?

Pour chacune des fictions, on peut facilement remarquer  le nombre total de mots cumulés, le nombre de personnes ayant participé, de même que le nom du dernier scripteur actif ainsi que le moment de son intervention. Dans ces 3 Word Story, on trouve pour l’instant des alexandrins qui constituent une histoire (Tentative d’alexandrins), un tautogramme narratif (Sans savoir si… ) , du monovocalisme en E (E821), des  lipogrammes pluriels   (Lipogramme en OUISans p ni b ni q ni j ni g…, Lipo en O & I), des exclamations ou insultes littérairement travaillées (...à l’occasion d’un coup de marteau sur le doigt, Espèce de Rigolo ! ), des jeux de kyrielles (Trois petits chats, Trois petits chiens, Vie de miel), des structures fixes (Un infinitif et une couleur), des énumérations poétiques  ou  des inventaires particuliers (Vie de miel, Couleurs, Sources de réjouissements), des définitions farfelues (Définitions), des annonces classées transcendantes (Petites annonces entre forains) et même des contre-exemples lors d’un ratage complet (Lipogramme en NO), car rien n’est aussi simple qu’il n’y paraît (voir l’échange  parallèle). Il y a aussi des données mathématiques à prendre en compte  ainsi que le préconisait l’OuLiPo (Sinusoïde 1 et 2, Si l’on est seul sur...) et même des histoires paradoxales aux thématiques insidieuses (Il était temps, Sans, Les jeux du cirque, Chuchotements, Photocopie, Labyrinthe, Maux de tête, Catacombles, Trois petits mots, À l’heure de…) quand il ne s’agit pas d’absurdités volontaires qui déjouent l’anticipation générique ( Petite cuisine de l’absurde 1, 2 et 3).

À l’heure actuelle, plusieurs personnes, dont je fais partie avec Claude Streicher, Wana Toctoum, Sandrine Jolly,  Rolland Auda, Nicolas Bleusher et Strofka Méop,   ont   émis des propositions à la suite de l’initiative de @Strofka qui a d’ailleurs commencé à publier ces exercices de style exploratoires ou textes collaboratifs sur des pages Web distinctes qu’il annonce sur Twitter Vie de mielE821- salade de E et Espèce de rigolo ! Même si le nombre de participants pourrait être illimité, il  n’excède malheureusement pas une quinzaine présentement, bien que plusieurs d’entre eux participent à plus d’une histoire.

Bonheurs d’écriture et amusements périphériques

Puisque de nombreuses personnes évoluent dans d’autres fuseaux horaires que le mien, en me levant le matin  je me précipite sur Facebook dans les 3 Word Story pour y lire les ajouts effectués durant ma pause nocturne. L’ordre des histoires varie également constamment  en raison des mouvements de sélection opérés par les divers participants.

J’éprouve des moments de douce euphorie quand des trouvailles langagières surgissent comme le lotus puise son énergie vitale dans la boue ou comme un minerai précieux sort de sa gangue. Juste pour ces moments de jouissance esthétique, je trouve que l’entreprise en vaut le coup. Certes, on y trouve aussi de la banalité, mais quand le ciel s’entrouvre, l’éblouissement survient, des moments qui suscitent des réactions Haha ! Aha ! Ah… comme l’expliquait si bien  Arthur Koestler dans Le cheval dans la locomotive**.

J’adore les échanges conversationnels périphériques ou adjacents sous forme de commentaires, questions, rappels, précisions, explications, encouragements et qui relient nettement les participants dans ces micro projets rédactionnels communs. Certains propos  s’avèrent à juste titre  éclairants (ex. l’explication  fournie par @Strofka à propos de la contrainte oulipienne du prisonnier pour justifier la non utilisation des lettres à jambages), ou d’autres réactions valorisant les bons coups ou qui  permettent le partage des frustrations  vécues.

Pour trouver les mots requis, on compte évidemment sur son vocabulaire intégré, les ressources de son imagination, les émergences intuitives, mais on peut aussi explorer comme je l’ai fait (eh oui j’ose le dire) les dictionnaires en ligne destinés parfois au Scrabble comportant des mots de tant de lettres ( ex. mots de  9 lettres) ou donnant accès (c’est bien pour les tautogrammes) à une banque de mots commençant par  une lettre précise (ex. mots commençant par un S). Dès lors, il est possible d’entrevoir des pistes pédagogiques porteuses.

Quelques irritants inhérents

Quand l’application Facebook refuse d’accepter les trois mots nécessairement soumis à son approbation et qui, parfois,  ont été souvent assez longs à trouver, cela conduit à des frustrations pas toujours prévisibles bien que  cela contribue  à me rendre  plus zen. J’ai remarqué que des mots trop recherchés ou plus rarement utilisés (ex. médianoche) ne passent pas. La machine est-elle capricieuse ou manque-t-elle carrément de vocabulaire ? Parfois on se demande même si elle sait compter lorsqu’elle invoque cette raison pour justifier un refus. Je note qu’elle semble  avoir intégré la plupart  des structures  syntaxiques prévisibles, mais qu’elle  demeure  la plupart du temps intransigeante face aux écarts perçus (ex. après un LE, il lui faut un substantif). C’est parfois  limitatif et frustrant, mais souvent on trouve mieux en cherchant davantage afin de lui faire accepter les trois mots requis. De petits deuils sont à faire puisque l’on doit sacrifier fréquemment des trouvailles que l’on jugeait préalablement plus intéressantes.

Impossible de  se rétracter ou de supprimer ce que l’on vient d’écrire comme on peut le faire sur Twitter. Une simple distraction perdure sans que l’on puisse intervenir. De plus l’accentuation demeure extrêmement problématique. Certains accents sont acceptés, d’autres entraînent systématiquement le refus des mots soumis, alors que d’autres sont  fortement altérés lors de la publication. Quelqu’un a remarqué une acceptation plus fréquente lorsqu’il s’agit d’accentuer la dernière syllabe. Pratique pour les participes passés, mais encore là  ce n’est aucunement systématique. Je  souligne que les acceptations, mentions d’erreurs et les refus sont indiqués en langue anglaise uniquement. C’est sans doute  pour cette raison que l’accentuation s’avère aussi problématique.

Les  looooooongues attentes

C’est toujours le nom du dernier collaborateur qui est inscrit. Même s’il y en a eu plusieurs durant une  absence de quelques heures, ils demeurent anonymes puisque c’est seulement le nom du dernier collaborateur qui est mentionné   même si  les avatars de tous les participants au jeu figure en exergue.

Parfois, il arrive que personne ne  poursuive immédiatement après une inscription de trois mots. Impossible alors d’ajouter quoi que ce soit   en raison de l’alternance requise. Autrement dit, à moins d’avoir plusieurs comptes sur Facebook, on est condamnés aux attentes à durée variable. Par contre, il arrive que quelqu’un participe en même temps que soi. Ou bien ses trois mots sont acceptés en premier (une petite sonnerie en témoigne) ou bien on joue en alternance, ce qui est ma foi  fort agréable.

Question d’attitude

Consentir à ne pas toujours être à la hauteur, risquer de passer à côté, ou pire : rater l’implicite du jeu, commettre un impair, nuire à l’avancement de l’histoire… voilà autant d’éléments prévisibles qui développent l’humilité, la patience, la reconnaissance des forces d’autrui, la préséance de l’effort groupal sur l’individuel, le constat capital que le tout est  plus que la somme des parties, que la collaboration a bien meilleur goût. L’esprit fusionnel des Borgs (voir Star Trek) sans sa réduction assimilatrice. C’est là tout le défi d’une écriture collaborative d’un nouveau  genre, exploratrice et contraignante, pour stimuler l’imaginaire collectif de manière heuristique sous les auspices de la sérendipité.

N.B. J’invite les collaborateurs à s’exprimer relativement à leurs expériences respectives dans la section des commentaires.
*Une APP Facebook
** KOESTLER, Arthur (1968) Le cheval dans la locomotive : le paradoxe humain, Paris, Calman-Lévy, p. 178

Addendum-1-@Strofka vient tout juste de publier Le Kata de Kanazawa, le lipogramme collectif en OUI mentionné plus haut. Je le remercie pour cet ajout.

Addendum-2- Voici un nouvel ajout de @Strofka concernant un autre écrit collectif, à savoir Infinitifs colorés. (2011-08-26)

Addendum-3- De nouveaux textes  collaboratifs, rédigés dans les 3 Word Story au cours des derniers mois, ont été publiés par @Strofka, à savoir : Sources de réjouissements,   À un mot prèsÀ une lettre prèsVie de miel,  Espèce de rigolo #1 et Espèce de rigolo #2. (2011-12-20)

Addendum-4- Voici quelques autres écrits collaboratifs  en provenance des 3 Word Story que @Strofka vient de publier : Désolé de ne pas…, Rêves inassouvis, Tautogramme en V, À une lettre près, Ulcération, Avec accents circonflexes…absents, Tête de chibre, Ça s’est fait, Ça, c’est fait ! (2012-01-15)

 

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Scriptures, textures et tautogrammes!

Les deux jeux littéraires proposés simultanément (#fictionBD et #fictionTP) dans mon  billet du 12 juin  intitulé  Fictions d’inspiration tautogrammatique ont attiré de nombreux lecteurs, que je remercie pour leurs encouragements, mais surtout une quinzaine de twittérateurs motivés. Onze d’entre eux ont collaboré  aux deux histoires. Ce sont @aurise @sstasse @georgesgermain @nathcouz @Sylvain_Pierre @Alcanter @hmansier @jmlebaut @Le_Gugu @drmlj @gtouze. Quelques autres ont participé à l’une ou l’autre des deux fictions @bbesnard @Lygoma @jgodro @meme_aimee @dawoud68. Je reconnais  que ces jeux étaient difficiles et qu’ils requéraient un certain investissement de temps en raison des contraintes exigées. Que les participants soient tous chaleureusement remerciés pour leur ouverture, leur accueil et leur générosité, car c’est leur implication seule qui permet l’exploration de cette forme d’écriture collective,  en différé et asynchrone. Comme il n’y a pas encore grand  chose de collaboratif sur Twitter en twittérature, j’ai l’impression d’œuvrer avec vous tous dans un vaste laboratoire expérimental.

Était-ce une bonne idée ou non?

J’ai voulu faciliter la vie des participants en raison  des nombreuses interruptions qui surviennent sur le fil du microblogue et de la disparition inexpliquée par moments de certains gazouillis. Plusieurs personnes me demandaient déjà de voir le texte en continu afin de mieux percevoir le récit dans sa totalité évolutive. Je leur  acheminais alors un envoi par courriel  puisque je considère que la lecture des gazouillis précédents s’avère indispensable pour inscrire la suite dans une continuité plausible. Pourquoi ne pas franchir un pas de plus et  leur donner accès au texte en continu  au fur et à mesure de sa production? Bien  qu’il soit implicitement convenu qu’un texte publié doit demeurer immobile, pourquoi ne pourrait-il pas évoluer en tant que  Work in  Progress? D’autant plus que je le faisais déjà latéralement pour moi seule. Voilà pourquoi au lieu de ne l’expédier par courriel qu’aux seules personnes désireuses  d’obtenir une copie de l’avant-texte (fruit du collage des  gazouillis colligés systématiquement sur Twitter dans l’une et l’autre des fictions tautogrammatiques), j’ai décidé de l’offrir en direct au grand public en dépit des risques inhérents. Tellement plus simple ainsi! Cela ne m’empêche nullement de reproduire parallèlement dans un dossier les tweets dans leur intégralité avec les noms de leurs auteurs au cas où je devrais y référer. Cependant, il est ironique de constater que la date de publication précède alors la date de clôture effective, un bien léger contresens.

Les twittérateurs en tant que scripteurs polyphoniques

On peut bien commencer une histoire, camper des personnages dans le cadre de son choix, prévoir des événements possibles, traquer quelques pistes d’envol, mais comme   ce sont d’autres personnes qui poursuivront le  texte  en voie d’être élaboré et selon  leur gré , il est inévitable que des surprises surgissent. En effet,  il survient des enchaînements étonnants,  car les imaginaires (tout comme les mots)  rebondissent les uns sur les autres. Ainsi que l’a souligné @Alcanter « Le plus dur est de faire avancer l’intrigue », c’est d’autant plus difficile en raison des limites lexicales introduites, car le défi ultime consiste à assurer la continuité  narrative dans  ce chant polyphonique que constitue l’orchestre textuel  à plusieurs voix institué.

Cela m’apparaît d’autant plus difficile que la plupart des formes brèves (voir mon billet Twittérature, formes brèves et contraintes bénéfiques) se vivent plus facilement sous le mode de la  discontinuité (ex. proverbe détourné, notice fantaisiste, mode d’emploi). Lorsque l’on recherche l’autonomie des microtextes rassemblés sous un mot-clic ou croisillon, l’accent est mis forcément  sur les règles à respecter pour produire un objet textuel  unique et bien  fignolé. Dans cette optique, les microtextes  obtenus figurent côte à côte et non  en interaction. À la limite, nul besoin de lire les énoncés précédents. Chacun y va alors de sa participation optimale sans se préoccuper des enchaînements.

Dans une salle de classe, il  est souhaitable  et agréable de travailler en complémentarité et de se répartir, par exemple,  les lettres de l’alphabet  pour la rédaction d’un abécédaire ou d’un fictionnaire, mais ici? Nous avons, pour notre part,  privilégié l’élaboration d’un récit en continuité rédigé  collectivement avec des personnes inconnues et c’est bien différent. Avec la planète comme espace de travail collaboratif, il est impossible de négocier ou de s’entendre a priori.

La contrainte : un support pédagogique?

Il est agréable de ressentir que la contrainte a un effet de déblocage de l’imaginaire, car elle déclenche la créativité  en ce qu’elle permet de se concentrer prioritairement sur la forme qui doit naître et d’oublier pour un moment le fond, qui demeure bien  sûr  à considérer dans un deuxième temps si l’on ne souhaite pas  demeurer dans le ludique pur. Il est évident que certaines personnes ont pu ressentir la contrainte prescrite comme faisant obstacle à leur expression spontanée. Les contraintes littéraires sont là pour  favoriser l’expression et non pour la limiter. Paradoxalement, ces contraintes  permettent d’entrouvrir un espace de liberté. Selon la Textique prônée par Jean Ricardou, il importe  que l’écrit provoque un effet de représentation, qu’il produise par conséquent un effet au-delà du sens. Si la règle à suivre (ici privilégier les lettres ciblées B+D ou T+P) apporte un cadre à respecter, on peut considérer que l’écriture devient par conséquent abordable pour tout le monde.  En effet, les contraintes contribuent à démocratiser l’acte d’écrire, à relever un pari humaniste, car tous les élèves peuvent réussir puisque  tous se trouvent sur un palier égalitaire pour conquérir le pouvoir d’écrire et surtout le vouloir-écrire.

Les avantages sont multipliés lorsqu’on  autorise les jeunes à  collaborer pour mettre en commun  leurs trouvailles et les jauger. Le dictionnaire n’est plus rébarbatif quand il se mue en outil de création et qu’il  opère au sein des esprits effervescents à la manière d’un tremplin. Notons que ce recours au dictionnaire a été  ici grandement facilité par l’ordre alphabétique nécessité par le tautogramme puisqu’il importait que  la majorité des mots commencent par les lettres retenues. Il suffirait d’opter pour d’autres lettres pour que surgissent d’autres textes en devenir.

La pratique des opérations scripturales

Que penser alors de l’utilité des différentes  facettes du processus d’écriture? Au lieu de les voir réparties sur une période de temps plus ou moins longue selon la durée allouée, je constate qu’ici  ces étapes non linéaires se vivent en accéléré:

1) PLANIFICATION: Puisque l’on ne peut planifier vraiment ensemble étant donné  que les autres participants sont impossibles  à consulter, il importe d’ajuster sa planification  de façon heuristique, au fur  et à mesure des interventions qui surgissent.

2) MISE EN TEXTE: Comme la mise en texte doit tenir compte des contraintes retenues et reposer sur une recherche de mots-idées, elle devient multidirectionnelle et déterminante puisqu’elle chevauche la planification. Elle devient le coeur du travail puisqu’elle demeure exploratoire et elle pourrait fort  bien bénéficier d’un jumelage de scripteurs.

3) RÉVISION: La révision-ajustement doit s’assurer du respect  de la contrainte, de l’inscription de l’énoncé dans la cohérence  de l’ensemble, demeurer centrée sur le  style également pour idéalement l’harmoniser à ce qui précède ou insuffle le ton. Ici encore la révision en duo serait avantageuse, pédagogiquement parlant, en raison du partage des ressources individuelles.

4) CORRECTION: Vécue généralement de façon individuelle mais pouvant bénéficier de l’apport d’un scripteur-correcteur externe,  la correction vise à traquer les écarts syntaxiques, la vérification des accords et la rectitude de  l’orthographe des mots.

5) MISE EN LIGNE:  Une fois la révision-correction complétée, l’envoi peut se faire sur le microblogue qu’est Twitter.  Par la suite, le recours à un blogue de classe peut assurer la permanence des gazouillis colligés et donner éventuellement  naissance à un livre  en format numérique.

On peut constater que l’exécution des diverses opérations  mentionnées s’avère relativement exigeante, de telle sorte qu’il est  à peu près impossible d’improviser ou de produire instantanément un post sauf  pour de rares personnes particulièrement aguerries, car il s’agit de sculpter des micro œuvres verbales et d’en  assurer par la suite la cohésion en interdépendance. Bref, je crois qu’il s’agit d’accroître en accéléré la pertinence des opérations scripturales.

Au-delà de l’imagination: des scriptures aux textures

Dans le  contexte de la Twittérature vécue  de manière collaborative, on n’écrit jamais vraiment seul. On écrit pour ou contre les tweets des autres. On change le monde du texte un tweet à la fois. Pour écrire, il est nécessaire de lire pour assurer la progression du récit, éviter les  contradictions, créer des effets de style, harmoniser l’énonciation, recourir à la synonymie, de sorte que les relectures constantes s’avèrent indispensables et que l’on ne lit plus pour les mêmes raisons.

Par ailleurs, écrire ne correspond plus à une théorie du sens préalable où le quelque chose à dire précède l’acte d’écrire.  Au contraire, le sens émerge à partir des mots intuitionnés ou retenus. Un tel regard s’inscrit dans  une idéologie  qui s’appuie sur  l’aspect matériel de l’acte scriptural. C’est pour cette raison d’ailleurs  que Jean Ricardou présente l’écriture comme une production combinant  plusieurs opérations qui relèvent du sens certes, mais qui misent surtout sur le recours au signifiant. Les  coauteurs deviennent en quelque sorte des opérateurs d’énoncés et l’inspiration n’a plus grand chose à voir pour induire le texte désormais porté par les mots constitutifs choisis en raison de leurs constituants internes. Ce texte pourvu de structures plus accomplies, de  structures ayant pour fonction de créer un effet de représentation fait  ressortir  magnifiquement les textures scripturales. Quel plaisir vraiment de lire et de sonoriser les textes produits tant les mots amalgamés tissent une musicalité induite dans des significations exacerbées. Amusez-vous à lire à haute voix Bizarres destinées (la fiction BD) ainsi que Tribulations parallèles (la fictionTP) dont les titres comportant les lettres fétiches ont évidemment surgi  après les expériences scripturales de ces délires ou délices jubilatoires.

Rappelons que Roland Barthes affirmait que « Croire que le romancier a quelque chose à dire et qu’il cherche ensuite comment le dire, représente le plus grave des contresens. Car c’est précisément ce « comment », cette manière de dire, qui constitue son projet d’écrivain »*. Passer des scriptures aux  textures dans l’esprit de Ricardou, c’est passer de la centration sur le  signifié à une prise  en compte du signifiant, c’est inverser en quelque sorte la façon de faire canonique.

Quelques  autres constats

Depuis quelques  semaines, nos expériences collaboratives se sont multipliées ainsi qu’en témoigne la vitalité de la  rubrique des Écrits collectifs. Je demeure éblouie par la qualité de la collaboration vécue. Bien que la barre ait pu  sembler haute par moments (car il y a eu manifestement aussi des joutes d’intellos), j’ai  fortement apprécié  la richesse lexicale et la fluidité des textes produits .

Il est survenu des instants  d’euphorie lorsque, par exemple,  j’ai mis la main sur un tweet orphelin ou égaré  en raison d’une banale méprise  qui s’est avérée salutaire fictionDB au lieu de fictionBD et qui a été trouvé par pur hasard : un  tweet dissident! J’ai aussitôt vérifié dans l’autre fiction  si la même inversion s’était produite, mais non!

Si je n’ai pu retenir quelques tweets mélangeant trop les deux fictions et qui n’allaient ni dans l’une  ni dans l’autre, (en invitant toutefois les participants à se reprendre), j’ai laissé passer quelques mots hors BD ou TP. Je reprécise qu’aucune révision en profondeur n’a eu lieu. Bien sûr, par moments la ponctuation peut sembler  fantaisiste et il resterait idéalement à s’occuper d’une  plus grande harmonisation des temps de verbes. Toutefois, je rappelle qu’il ne s’agit en aucun cas d’ une version définitive mais d’un premier jet collaboratif infiniment prometteur. Il importe, je crois, d’apprendre à vivre avec une certaine imperfection si l’on souhaite explorer de nouvelles avenues en grand nombre.

Je peux avouer qu’une semaine me semble personnellement constituer en empan temporel suffisant pour maintenir l’intérêt. Ce fut d’ailleurs la durée privilégiée pour chacun des chapitres du twitteroman sans e Tourbillon, de même  que pour chacune des microfictions ultérieures.

Réflexions conclusives

Si l’écrivant est, comme le prétend Michel Butor, cet homme qui « trouve en écrivant ce qui finit par être dit »** (Répertoire V p. 19) C’est par ce jeu de tissage et d’entrelacement de mots porteurs  que  naît l’écriture, qu’elle  évolue et se transforme. Autrement dit, le texte émerge d’un futur possible,  d’un devenir potentiel, d’une actualisation virtuelle.

Si l’on s’appuie un tant soit peu sur la Textique et que cette théorie soit mise  à contribution, il importe de se donner des règles reposant sur des contraintes littéraires  ou numériques à l’instar des oulipiens où chaque règle oblige à ne pas perdre de vue le signifiant. Autrement dit, il importe que le texte  ne soit pas centré uniquement sur le sens. Pour qu’il y ait texte, nous rappelle  Jean Ricardou, il faut absolument que l’écrivant travaille sa production du point de vue de la forme (signifiant), et ce genre de défi contraignant l’y amène nécessairement. C’est dire l’importance de la matérialité du texte quand on joue avec des immatériaux, ce qui semble constituer un paradoxe apparent.

Ce fut, somme toute,  une autre bien belle histoire de collaboration, de réseautage et de complicité, d’affirmation de soi aussi car « on tire la couverte » pour influencer le cours du récit. J’ai trouvé les participants bien courageux de consentir à explorer en aventuriers des zones parfois truffées d’inconfort et de relever magnifiquement ces défis qui nous amènent tous un peu plus loin.

N.B. Au moment de la publication de ce billet, je viens tout juste d’apprendre que l’un de nos précieux collaborateurs @jmlebaut , qui  a participé à l’élaboration de toutes nos fictions collectives,  vient  de publier un dossier consacré expressément à la Twittérature dans Café pédagogique du 27 juin, une merveilleuse initiative! Qu’il en soit vivement remercié!

* BARTHES, Roland (1964) Essais critiques, Paris. Points-Seuils #127

** ROSSIGNOL, Isabelle  (1996) L’invention des ateliers d’écriture en France : analyse comparative de sept courants clés, Paris, L’Harmattan, p.80

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Fiction collaborative twitterienne et tautogrammatique en BD



Bizarres destinées *
(Semaine du 12 au 19 juin 2011)

Delphine baignait d’emblée dans le bonheur et la béatitude. Elle se dérobait aux dangers et aux déplaisirs, en développant de bien délicieuses dérives. En effet, elle demeurait blasée ou blessée, mais bouder la délivrait durablement, tout autant que le détachement. Cette belle déesse de Delphine déambulait tout en dodelinant du bonnet. Bouder ou badiner? Elle délibérait l’objet.

Depuis le départ de Bernard en Bolivie, elle broyait son désir dans la désolation. Elle bernait sa dépression en buvant des daiquiris, se disant que bourrée elle dormirait et distancierait sa douleur. Delphine bascula vers un bonheur brumeux. Blottie en boule dans des draps blancs elle était bavarde et son discours déjanté: elle se voyait danser le boléro à Bora-Bora. Le bal bigarré disparut derrière un doux demi-sommeil puis d’un beau dodo jusqu’au dimanche. « Des bras, des bras » brama-t-elle derechef! Des bonheurs domestiques, des douceurs burlesques! Douteux baragouin…Dans ses divagations, sa bouche brouillée par les diaboliques drinks débitait des bêtises.

Déterminée après ses douces divagations, Delphine délibéra: bouder ou dormir désolent… Diable, comment dompter Bernard? Pourquoi décider de le dompter d’ailleurs? Débroussaillant là-bas des balises de développement, la Bolivie était devenue pour lui bien différente, car elle se distinguait des destinations banales déjà découvertes. Durant la dernière décennie, il s’était baladé désenchanté durant des déplacements disparates. Depuis le départ des dictateurs, la Bolivie se bonifiait. Bernard se disait que la démonstration du bien-être démographique devenait le baromètre de la démocratie.

Delphine désapprouva : son droit à la dissidence était décidément brimé brusquement. « Basta! » dit-elle à Bernard devenu bouche bée. Définitivement, deux directions diamétralement divergentes bouleversaient leur danse à deux. Balancer la dictature? Diffuser la démocratie? Quels beaux défis! des désirs à broder pour le duo bouleversé. Broderie bien déraisonnable pour une Delphine balzacienne désireuse de se délester de sa dépendance  envers Bernard.

Dézinguant le bravache bobo bolivarien, Delphine danse. Bamba, bebop et boogie : les déhanchements du bouleversant derviche drainent des bordées de desperados décatis et de bimbos bricolées; le boulevard en fut bientôt bondé. Devant les débits de boissons, le bal des débutantes bousculait les bourgeoises : be bop a dada! Plus elles dansaient plus cela dansait aussi dans leurs têtes. « Au diable la bienséance!« , se disaient-elles.

Au bar, en biais de la balustrade brune, se balançait une boule disco qui brillait à distance. Delphine déviait vers cette braise blanche telle une bestiole vers un brasillement. Bouder son plaisir? Delphine n’y pensait pas. Sur la piste bondée, personne ne pense à dialoguer: les déhanchements dominent. Blonde, désirée, désignation Bayer de Bételgeuse démesurée, devançant Bêta, diacritique basculée doucement, balise dissimulée. Son derrière bombé dans un bloudjinn’z au diapason de son body dévoya un docteur en drague qui lui dit : «Belle demoiselle à la beauté si délicate et délicieuse, désirez-vous danser avec moi cette bacchanale dangereuse? » Delphine, devant ce banquier boulimique débiteur buté boursouflant les dettes d’autrui, se dit : « Débauchons-le dans la brousse définitivement ». « Bon débarras! » dit Delphine un brin déboussolée et bien décidée à dormir.

Elle décida de se dorloter avec du Bob Dylan au désespoir de Bernard. Bonjour dames, bonjour damoiseaux. Bondissons dans bain, déjeunons, buvons diverses boissons douces, beurrons délicieuses banettes. Badaboum boum dans la direction du bord de la danse des bons dindons dodus bombés, dingue! Bang! Bof! « De la douceur, de la douceur, de la douceur », balbutia Delphine, désirante. Sa démesure débridée dérangeait Bernard déconsidéré, déçu de devoir débattre d’eux  derechef et désireux de se dérober dans des détours de désillusion.

« Bernard, donne-moi du dément. Ne badine plus avec mon désir. Déleste-toi de la bienséance de la doctrine bourgeoise », dramatisa-t-elle. Destinée bizarre des belles dames belges demeurant boulevard Damoclès bernées doublement, bigrement dépouillées. En douce, Delphine désirait se dévouer au destin dévoilé jadis dans la boule de cristal de sa diseuse de bonne aventure. Ce destin? Devenir barde, déclamer de belles proses devant des badauds bienveillants. Mais depuis, dans la dite boule, les brucolaques le disputaient au brouillard, désespérant Delphine qui la brisa. « Bon Dieu de bon Dieu! blasphéma Delphine, dussé-je blettir définitivement dans les draps de Bernard, je me départirai dare-dare de ces damnés bêtacisme et deltacisme! » Et elle se mit à bléser… Bon! Dodo! Billevesées dites benoîtement, du blablabla décevant, brèves devises bredouillées, décidément, basta! Dormez bien douloureuses données belligérantes, je demeurerai divisée et dans la dissonance, je bercerai de doux distiques et Bernard dissimulera son déplaisir  dans la dissociation et dans la diversion.

Voici, par ordre d’implication, la liste des participants de #fictionBD

@aurise @sstasse @georgesgermain @nathcouz
@bbesnard @Sylvain_Pierre @Alcanter @hmansier j@mlebaut
@Le_Gugu @Lygoma @drmlj @gtouze

* Merci à @Le_Gugu pour la suggestion indirecte de ce titre.


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