Fiction collaborative twitterienne et tautogrammatique en TP


Tribulations parallèles
(Semaine du 12 au 19 juin 2011)

Tristan tambourinait tristement sur la table tapissée. En ces temps passablement troublés, il tenait à tirer sa tante de sa torpeur. Philomène prononça des  paroles troublantes provoquant des tensions entre eux : « J’ai tellement peur! Partons! » Prémonition? En tournant les talons, Philomène trébucha et tomba. Tristan se précipita vers sa tante mais perdit pied à son tour. Triste Pentecôte! Tanguant et titubant, le pâle tandem se tire au Pernambouc. Préalablement, Philomène et Tristan avaient préparé leurs paquetages en tremblant de peur face à un tranchement de tête prévisible.

Du promontoire de Tintagel, le prince trahi détaille le panorama pour y trouver un trois-mats où se tapirait le tandem. »Tant pis! » pouffe le prince, toisant le terne tabellion et torpillant d’un trait de plume le précédent testament produit trop promptement. Prince parmi les pauvres, Tomaso le  puissant planifie la teneur de son précieux testament  pour protéger son trésor. Perpétuant la tradition  d’un pouvoir terrible, le tyran, se percevant trahi, tente de trouver comment punir ce traître de Tristan travesti en parfait Tartuffe. Il transige avec La Theuggia pour qu’elle prépare une potion terrifiante qui perdra le parjure.

Pendant ce temps, Tristan et Philomène terrifiés, prient patiemment. Leurs prières portent sur le pardon du tyran. Épuisés, ils prennent le thé préparé par La Theuggia ayant pris la forme d’une pie. Plus tôt que prévu, et ne tarissant pas sur les paroles plaisantes, Pica Pica (travailleuse au pair portant le prénom d’une pie) leur prépare prestement une tisane pernicieuse qu’ils prennent pour du thé, un thé parfait possédant des propriétés prodigieuses. Une tasse de paradis? Proustiens, Tristan et Philomène étaient tentés, piqués, titillés : prospectons le temps perdu! « T’as pas la tête pour passer en Terminale mais pour trépasser dès le premier tour, dit le proviseur du terrible pirate-pad, tant pis! » Le tragique passé de Tristan le tourmentait périodiquement.

Pourtant, même si ce thé le propulsait un peu partout dans son passé, dans son présent il le prédisposait au pire. Passé peut-être moins pire que son présent mais tout aussi terrifiant. Une teinte de psychasthénie dont il pouvait se passer. « T’as pas perdu ta thé-pot, toi?! T’as pas pris le temps de te taper tous tes pots et tasses?! » pensa-t-il. « Portons un toast à tous les pères! « , temporisa Philomène pour que Tristan, torturé par sa progéniture, trouve la paix. Une paix temporaire, car perdu dans ses pensées, le tandem persécuté percevait peu à peu le palimpseste parcheminé du passé. Proverbe toulousain : « On toise la paille, mais pas la poutre ». Principe taoïste: « On perçoit le tourment, mais pas le temps ».

Tristan et Philomène posèrent Tania, qui pleurnichait, dans la poussette, pour un petit tour au parc. Une promenade peinarde pensaient-ils! Tandis qu’ils se préparaient, des touristes pressaient le pas : le temps était à la tempête. Tania se trouvait être la petite de Philomène, la princesse de Tristan. Sa présence troublait la paternité de Tomaso qui n’en pouvait plus de se tourmenter pour elle. Tomaso, qui tardait à la pencher sur son testament puisqu’elle témoignait d’un passé passionnel perturbant. Tristan était le père, mais Tania aurait pu être de lui. Le test passé (ADN) le prouvait. Philomène lui avait préféré Tristan, et il les pourchassait depuis ce temps.

Parallèlement, Tomaso poursuivait plusieurs autres projets avec des partenaires tous très tordus. Il avait propulsé un prototype prometteur, la Pantera, pour purger son passif. Pour que Philomène tombe en pamoison devant la perfection de son profil, il publicisait son trophée sur toutes les télés. Toujours il tentait de toucher Philomène tout en troublant Tristan. Il était persuadé d’y parvenir. Toujours est-il qu’il tenta le tout pour le tout. S’il ne pouvait toucher Philomème, il pouvait atteindre la tonitruante Tania.

En tenant de telles paroles, il tarabustait Tania qui était prête à tout plaquer : elle se tenait toujours près de la porte. Quel toupet poétique!  Transcendant son présent par son tintamarre ou tambourinant pour témoigner en pacha de son trop plein transitionnel, Tania pensait tout le temps  en trottinant à son tonton Tomaso si permissif.

« Pourquoi tel phénomène terrifiant, panique te prenant tantôt physiquement, tantôt psychologiquement, te paralyse totalement? » tentait de trouver  Tomaso tourmenté par les piqûres, les projections et les projectiles du passé. Tout le temps ces tourments! Pourtant Tomaso prétendait à des temps plus paisibles. Patience! La parentèle de Tomaso le tourmentait; leur parénèse le tuait. Il profita d’un tsunami pour prendre la tangente : « Pourquoi tant de tourments? Pique, pique-moi Tsé-tsé, que se termine la torture de mes pensées! » Que tourne, tourne la pastourelle! Et tant pis pour tout! Que trépasse le temps que traversent les protagonistes se trémoussant sur la plage d’un paradigme tronqué pour que se trament leurs  trajectoires personnelles perpétuellement prisonnières de leurs tiraillements.

Voici, par ordre d’implication, la liste des personnes qui ont participé
à la cocréation de #fictionTP :

@aurise @georgesgermain @Sylvain_Pierre @Alcanter @hmansler @nathcouz
@jgodro @jmlebaut @drmlj @sstasse @meme_aimee
@LeGugu @gtouze @dawoud68
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Fictions d’inspiration tautogrammatique!

Dans un billet précédent, j’ai recensé des formes brèves pouvant être utilisées en twittérature et j’ai alors  mentionné l’intérêt de les jumeler à des contraintes de nature oulipienne. Dans cette optique, reconnaissons qu’ensemble, nous avons lipogrammé (roman sans E Tourbillon), monovocalisé (microfictions Effervescences, Abracadabra, Bibi-trip, Momo, L’Urubu d’Ubu) que vous pourrez retrouver sous  la rubrique des Écrits collectifs de ce blogue. Je vous invite maintenant à tautogrammer. Qu’est-ce qu’un tautogramme? Tout simplement une contrainte qui privilégie des débuts de mots comportant la même lettre initiale dans un énoncé faisant du sens. En quoi le tautogramme se distingue-t-il de l‘assonance ou de l’allitération dont il est le proche cousin? Seulement parce que la première lettre est considérée alors que les deux autres figures   comportent une multitude de lettres identiques afin d’accroître la musicalité des effets sonores. Cependant, il est fort possible et ce sera du plus bel effet, de trouver des jeux d’assonance ou des allitérations à l’intérieur des tautogrammes interreliés.

Dernièrement, @AnnieSentiers, lorsqu’elle nous a proposé le 25 avril dernier ce fabuleux #devoirpt ou devoir pour tous, avait relié cette contrainte du tautogramme à la rédaction d’un mode d’emploi, ce qui a donné lieu à des trouvailles fort intéressantes. En effet, elle nous  a d’abord suggéré de relever le défi de rédiger un mode d’emploi en moins de 130 caractères puisque les 140 caractères twitteriens conventionnels devaient inclure la mention du regroupement sous un même croisillon, mot-clic, balise, accron * pour traduire « hashtag » (on s’y perd!).  Cela a donné des résultats extrêmement probants tels que ceux-ci, en guise d’exemples:

1) @JYFrechette « Recette de bouillon textuel. Dégorger 14 mots bien dodus. Couvrir. Laisser mijoter à feu doux 140 min. Servir frais avec des vers ». 2) @GilbertOlivier « Éduquer sans abrutir, sourire sans mépris, donner sans attente, aider sans compter, rire sans mesquinerie, aimer sans retenue ». 3) @machinaecrire « Roman instantané: Émietter ce message dans un grand bol. Y verser un litre d’eau en remuant constamment. Devrait donner 250 pages. »

@AnnieSentiers devant son ordinateur

À cette occasion, et durant le jeu littéraire proposé, notre enseignante à tous a haussé subitement  la barre en demandant aux participants: @AnnieSentiers « Alors, est-ce que quelques courageux vont tenter de faire des #devoirpt dont tous les mots commencent par la même lettre? » Elle nous a piqué au vif et il n’en fallait pas plus pour nous motiver davantage. Cette contrainte nouvelle a évidemment donné lieu à des micro-textes disjoints fort intéressants, tels que 1) @AnnieSentiers « Vivre: vagabonder vaguement en vélo vers vals et vastes vallons de velours verts. Voir, vouloir varier, vaquer, voire végéter vite ». 2) @Karinesperanto « Rêver : ranimer ou refouler les raz-de-marée de rage, respirer, recouvrir de rosée et d’un rythme de reggae, ralentir, replonger.  » Chanter : Capturer cette croche, crevasser ces crescendos, creuser cette chaude clameur, crier ces chamboulements, chavirer. » 3) @Camcotte « Coeur charmant croit. Coeur calin chante. Coeur compositeur crée. Coeur criant craque. Coeur centenaire coule. Coeur classique chérit ». 4) @nathcouz « Souvenir? Savoir sépulcral souvent sacré, soudain soupir surgi sans sursis, songe sans sens, secret sémiotique, script sybillin. » 5) @aurise « Rêver? Richesses rarissimes, réalité revisitée, ricochets, rires, répliques, ripostes rythmées, rappels ridicules, réel rafistolé ». 6) @Le_Gugu « Lire. Libérer la lucidité, longue lutte libératrice, lumineuse. Le livre limpide, lu lentement, lève littéralement les limites ».

Vous constaterez l’intérêt de cette centration sur la matérialité du texte. Je vous invite donc à reprendre cette expérience inspirée du tautogramme, mais cette fois  encore sous l’angle d’une fiction collaborative, donc d’un texte continu visant à raconter une histoire qui émergera du fruit conjugué des efforts de chacun des participants  volontaires. Il importera nécessairement de relire les gazouillis des twittérateurs précédents afin de produire des enchaînements acceptables pour la cohérence du récit en devenir. Pour accroître la fluidité du tissu textuel virtuel qui sera produit, je nous propose de modifier la contrainte en autorisant toutes les sortes de mots-liens, de même qu’en proposant deux lettres plutôt qu’une seule (pourquoi pas?), soit le recours aux  lettres B+D ou  aux lettres T+P: ce sera donc notre  #fictionBD ou notre #fictionTP. On assistera donc simultanément à l’émergence de ces deux fictions collectives twitteriennes sous forme de récits fictionnels privilégiant des envolées heuristiques, ne sachant trop où cela va nous mener cette fois encore. Certes, des personnages émergeront, des événements surgiront, la temporalité  se déploiera dans toutes sortes de décors spatialisés. Mais surtout un risque exploratoire d’écriture twitterienne sera pris que je vous invite à relever. Les contraintes ayant la particularité de restreindre les choix, d’accentuer le travail sur la langue, je vous souhaite beaucoup de plaisir dans cette entreprise collective qui durera le temps qu’elle suscitera un intérêt de la part de ma communauté twitterienne. Le jeu multi-joueurs commence à l’instant. Je conserve le principe du texte à relais pour favoriser la continuité dans l’écriture collective et pour amener les twittérateurs à faire du pouce sur les énoncés précédents. Merci de bien vouloir y participer: vite  à nos dictionnaires pour stimuler notre créativité!

En résumé, pour participer à ces jeux littéraires sérieux ou à ces deux projets parallèles, il faut: Rédiger des gazouillis comportant une majorité de mots commençant par les lettres mises en évidence et qui s’inscrivent en continuité afin de produire une histoire cohérente et plausible. Les petits mots liants sont acceptés. Diriger ensuite ses gazouillis vers #fictionBD ou #fictionTP. Voici les énoncés  de départ pour induire l’une et l’autre des fictions:

#fictionBD: Delphine baignait d’emblée dans le bonheur et la béatitude. Elle se dérobait aux dangers et  aux déplaisirs, en développant  de bien délicieuses dérives. En effet, elle demeurait blasée ou  blessée, mais bouder la délivrait durablement, tout autant que le détachement.

#fictionTP: Tristan tambourinait tristement  sur la table tapissée. En ces temps passablement troublés, il tenait à tirer sa tante de sa torpeur.

* Pour raviver le débat, proposition émise le 7 juin dernier par @gillesjobin « Ma proposition pour Hashtag : «accron». Petit mot qu’on accroche au message. »
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Quelques réflexions sur le monovocalisme apprivoisé


Ensemble, on va plus loin!

Je rappelais dans le #ClavEd du 11 mai  dernier ce proverbe africain connu et bien inspirant: «  Tout seul, on va plus vite, ensemble on va plus loin! » Aviez-vous déjà essayé précédemment de vous astreindre à ce genre de jeu monovocalique? Amusant sans doute à faire tout seul, mais tellement plus agréable lorsque l’on est plusieurs à  vouloir y jouer. Non seulement on va plus loin, mais on produit aussi davantage à plusieurs, car le syndrome de la page planche (ou de l’écran vide) n’existe plus.

Je suis reconnaissante à ma communauté Twitter d’avoir accepté de collaborer à cet autre projet exploratoire. En effet, il y a quelques semaines, la corédaction du roman sans E « Tourbillon »  (six chapitres) a connu un vif succès au cours des 6 semaines de son élaboration twitterienne interactive et collective. Pour cette expérience inversée (du monovocalisme  au lieu d’un lipogramme), plusieurs personnes se sont impliquées malgré le niveau de difficulté  anticipé : 6 twittérateurs (nommés selon leur ordre d’implication) pour #justedesE : @aurise @georgesgermain @nathcouz @jmlebaut @Alcanter @Le_Gugu et et 16 autres pour #autrevoyelle : @aurise @machinaecrire @richard291 @dawoud68 @jmlebaut @Alcanter @georgesgermain @samdrine @meme_aimee @gtouze @bbesnard @JeanDore @Felixggenest @nathcouz @Le_Gugu @Lygoma.

Le monovocalisme en E (inspiré du roman Les Revenentes de Georges Perec) a donné lieu à « Effervescences » et le monovocalisme  simultané en A, I, O ou U a permis la cocréation des textes « Abracadabra », « Bibi-trip », « Momo » et « L’urubu d’Ubu » regroupés dans la rubrique des Écrits collectifs de ce blogue. Même si ces derniers textes peuvent sembler davantage ludiques, la consigne d’une seule et même lettre a été dûment respectée et le résultat final a été obtenu par le collage ou l’amalgame chronologique des gazouillis reçus. Vous remarquerez que si certaines personnes ont opté pour l’une  ou l’autre de ces voyelles, certains twittérateurs ont exploré parallèlement chacune d’elles à des fréquences variables. Des microfictions ont donc été produites en cela que la microfiction comporte en général moins de 1000 mots. Je remercie chaleureusement tous les participants qui ont osé relever ce double défi qui s’est déroulé durant une petite semaine uniquement (soit du 8 au 15 mai 2011). Merci également à @AndreRoux qui a trouvé des illustrations convenant à  ces textes pas  toujours évidents.

Question d’assemblage

Si je prends  ensuite la peine d’amalgamer les gazouillis  colligés sur ce blogue, c’est d’une part pour leur éviter de sombrer dans les limbes de l’oubli puisqu’il s’agit d’immatériaux qui  disparaissent  après peu de temps, et d’autre part pour leur conférer une existence autonome et permanente. Cela permet également de   dissocier le processus d’élaboration du produit final. Certes, en additionnant les gazouillis produits par chacun des collaborateurs volontaires et inconnus qui se manifestent de façon imprévisible ou inattendue, on finit par tisser ensemble un texte brut témoignant des efforts conjugués de chacun dans le plus grand respect des énoncés précédents. Comme l’a mentionné @Alcanter dans son commentaire, il s’agit peut-être ensuite de « haute couture », mais à partir de franges de tissu textuel fabriqué en collaboration à la manière d’une courtepointe. Même si certaines personnes ont davantage écrit que d’autres, cela importe peu en définitive, car même une présence aussi minime fut-elle a pu contribuer à réorienter le cours du texte. Je reconnais qu’il ne s’agissait pas de défis faciles. Je peux cependant témoigner qu’une relative aisance s’acquiert au fur et  à mesure que l’on écrit à partir de ce genre de contrainte. Paul Valéry nous a rappelé plus d’une fois que « Les  œuvres à grandes contraintes exigent et engendrent la plus grande liberté d’esprit » *, d’où l‘intérêt des contraintes de l’OuLiPo popularisées par l’Institut de twittérature comparée (ITC) et par @JYFrechette alias @PierrePaulPleau. C’est aussi le principe du développement de toutes les compétences : c’est en  faisant quelque chose que l’on s’habilite à le faire et le chemin s’entrouvre à mesure que l’on avance en des lieux peu fréquentés.

Comment peut-on  s’y prendre?

Je ne peux parler que pour moi et vous pourrez certainement compléter mes propos, si vous le souhaitez, dans l’espace alloué aux  commentaires adjacents à ce billet afin de témoigner de votre propre façon de faire. Personnellement, j’ai d’abord constitué des listes de mots distinctes pour chacune des voyelles. Une pour les E (la plus longue, j’avais à la fin 3 pages pleines), et une par voyelle A, I, O, U (constat rapide de beaucoup moins de mots possibles). Dès le départ, j’ai senti que ce serait plus difficile que l’expérience  lipogrammatique précédente du roman sans E. Où ai-je pris tous ces mots? Un peu partout, mais cette fois pas uniquement en parcourant  les dictionnaires. J’ai d’abord activé mon vocabulaire  connu, puis j’ai volontiers retenu des mots comportant une seule et même voyelle dans les écrits me tombant sous la main ou présents dans mon environnement. Même en voiture en lisant les enseignes, je prenais des mots en note. Même chose en lisant les bandes passantes déroulantes à la télé,  en parcourant des magazines de toutes sortes et même en lisant des romans ou les gazouillis des autres. J’avoue avoir été un peu distraite par moments dans ma compréhension par cette préoccupation constante. J’ai eu notamment recours à des atlas géographiques, à des listes de prénoms, à la section des noms propres du dictionnaire usuel. L’expérience aura duré une semaine, et ce fut pour moi  une semaine envoyellée. J’ai transcrit systématiquement  les mots glanés un peu partout à l’ordi quand je n’avais pas mon iPad avec moi. Il m’arrive même encore de remarquer des mots, au hasard d’une lecture, qui auraient pu servir dans l’un ou l’autre des textes produits.

 

Pour composer, je me suis fiée à mon intuition en parcourant des pages pleines des mots opportuns recueillis et en accueillant  avec bonheur des rapprochements inattendus qui ont fait surgir des images fortes un peu à la manière popularisée par le surréalisme. Souvent mon attention a été distraite de ce que je lisais, passant du signifié (recherche de sens) au signifiant (lettres constitutives des mots). Voyages en apnée, plongées dans le contenu (macrostructures), puis retours périodiques à la surface des mots, à leurs microstructures. Durant la quête de mots conformes aux attentes ciblées, inutile de dire qu’on ne lit pas vraiment : on regarde les mots comme des entités de surface, comme des images. Je me souviens de la joie qui m’a habitée quand j’ai trouvé de longs mots comme dégénérescence, effervescence, énervement, empressement… j’avais peine à y croire. À l’opposé, il m’a été plus difficile de glaner des mots uniquement avec des I, des O ou des U. Par contre, je me souviens de l’émoi ressenti quand j’ai trouvé pour le O le mot « chloroformons » en cherchant ensuite « qui » chloroformer? La suite est apparue d’elle-même : « Chloroformons mononcs morons!

Question de fréquence

Même si l’entreprise s’est avérée difficile, il m’est apparu normal que ce soit un peu plus facile avec des E puis ensuite avec des A en raison de la haute fréquence de ces lettres dans la langue française: hypothèse à vérifier. Les I, O, U étant plus rarement présents dans les mots en français, ils sont vraiment  en nombre plus limité encore lorsqu’ils ne comportent que la même voyelle. S’il était prévisible que ce soit plus facile de trouver des mots avec seulement des  E (fréquence de 14,7 % en français), il était agréable de vérifier cette intuition à l’égard des autres voyelles. Pour le A (7,6%), ce fut en effet le cas et le texte, plus long que les autres, en témoigne aisément. Cependant, le O (5,3%) m’est apparu un peu plus facile à traiter que le I (ayant pourtant une fréquence de 7,5%) et le U (6,3%) carrément impossibles à intégrer dans un texte suivi. Est–ce à dire que la possibilité d’inclure ou non des mots-liens ou des marqueurs de relations, de même que des déterminants s’avère plus déterminante? Possiblement.

Projection du principe d’équivalence

Je pourrais évoquer aussi la théorie de Roman Jakobson qui,  dans ses Essais de linguistique générale (tome 1),  tentait de démystifier la poésie en  évoquant comme explication possible de la force des images, la projection du principe d’équivalence de l’axe de la sélection sur l’axe de la combinaison.*** Je  clarifie : puisque la langue est constituée de deux axes, à savoir: 1) l’axe vertical (paradigmatique) qui est celui du lexique et 2) l’axe horizontal (syntagmatique) qui est celui de la syntaxe, il suffit de choisir aléatoirement des mots sur l’axe du lexique (noms, qualificatifs, verbes….) et de les placer côte-à-côte, même si a priori ils ne semblent pas aller ensemble (ex. serments ensemencés, rêves échevelés, semelles de vent). Que Jakobson me pardonne de simplifier à outrance ce qu’il a dit!  Cela aura permis d’oser des mots-images (ex. lettres-fenêtres, rêves-échelles) en associant des mots à prime abord incompatibles. De  fort belles trouvailles ont surgi et m’ont beaucoup émue. Je présume que les autres participants ont vécu des expériences semblables ou comparables.

Particularités textuelles

Les formes verbales ou les temps verbaux se sont  imposés  d’eux-mêmes. Plus facile avec des E d’avoir recours au présent de l’indicatif ou de l’impératif, de recourir au JE ou au  ELLE/ELLES, pronoms  pouvant   remplacer un référent acceptable (ex. Ève, cette femme, Estelle, ce rêve) alors qu’ il était incontournable de recourir à l’imparfait et au participe présent  dans « Tourbillon » (roman lipogrammatique sans E). Chercher à produire du sens dans un espace de recherche de cohérence selon Michel Charolles (répétition, progression, relation, non-contradiction) représente un immense défi lors d’une entreprise de ce genre. Le monovocalisme en E à la limite aura permis l’élaboration d’une histoire même évanescente. En raison de cette contrainte (seulement des voyelles en E) plusieurs décisions concernant la trame du récit ont été forcément  prises ou omises, puisqu’il était impossible d’amener certains événements ou de référer à des faits. Parallèlement, chercher du sens en lisant afin de comprendre et d’interpréter, ce qui  correspond à l’expérience habituelle de lecture, n’a pas été de tout repos. Le texte tissé en E est devenu par moments opaque et résistant. Il y a eu certes une émergence de significations et il est devenu possible même de résumer cette histoire (test ultime). Cependant, pour les autres microfictions, la tâche est devenue plus ardue autant pour le scripteur  que pour le lecteur même motivé.

Par contre, des textes plus ludiques ont émergé du collage  sacrifiant parfois la cohérence attendue.  En effet,il est possible de constater que  des images fortes émergent surtout lorsque ces textes sont lus à haute voix. On peut même reconnaître que le plaisir  est accru en raison de l’oralisation  qui en est faite et que ce genre de texte se rapproche à certains égards de la poésie sonore. C’est Paul Valéry qui parlait de « cette hésitation prolongée entre le son et le sens »** et il me semble que ce constat apparaît ici approprié.

Les référents culturels

Le recours à de fort nombreux  hyperliens dans les textes monovocaliques en A-I-O-U a permis de rendre explicites les référents culturels effleurés. Depuis le roman sans E, cette complémentarité des textes littéraires et courants m’apparaît porteuse. En effet, Jakobson (encore lui) disait qu’il y avait de l’information dans tous les textes lorsqu’il a élaboré son schéma communicationnel devenu célèbre, mais à des degrés divers » Voilà pourquoi il parlait de « dominante » et non d’exclusion, car même  le texte littéraire (dominante  de la fonction poétique axée sur la manière de dire) comporte des éléments d’information (fonction référentielle axée sur ce qui est dit). Certains romans en ligne comportent déjà des hyperliens qui permettent de naviguer dans le texte en y plongeant parfois pour obtenir de l’information quand on ne souhaite pas uniquement se laisser  habiter par lui. Une deuxième lecture  hypertextuelle entrouvre en effet  de fort nombreuses pistes à explorer.

Et en salle de classe avec les élèves?

Pourquoi ne pas susciter des défis collectifs en demandant  à chacun de noter à un endroit convenu tous les mots trouvés en fonction d’une même voyelle? Plus il y aura de mots, plus ce sera facile! Un projet évolutif et à long terme sans doute. Bien entendu certains mots peuvent être  utilisés sous forme de verbes, d’adjectifs ou de noms (ex. générer, générées, dégénérées, génère, régénérer, regénérescence) : bonne occasion pour travailler les affixes (préfixes et suffixes) de même que les familles de mots et leur dérivation. On peut y jouer avec les grands comme avec les petits. Le plus difficile dans ces jeux littéraires à  forte contrainte, c’est de créer des liens entre les mots. Autant il était problématique de se passer du « et » dans le roman sans E, autant on peut utiliser à outrance dans la fiction #Juste des E. Il vaut donc la peine de constituer une liste à part pour  faciliter les jonctions de mots en fonction de la contrainte retenue. Avec le I, le pronom IL est autorisé; avec le U , ce sera bien sûr le TU, avec  le O, NOS, VOS, MON, TON, SON,…avec le E, LE ou ELLE. Il faut apprendre à se passer des marqueurs de relation (ce qui est loin d’être évident) pour amener inévitablement les jeunes à mieux en apprécier l’utilité par la suite.

Je suggère fortement l’écriture en sous-groupes restreints (duos ou trios), car c’est  immensément difficile de tisser ce genre de texte tout seul. Le plus  exigeant, à mon avis, c’est de ne pas laisser échapper d’autres voyelles : on finit par y prêter une attention soutenue, mais il arrive qu’il y en ait quand même d’autres qui se faufilent malgré toute notre bonne volonté. Si on a recours à Twitter, on peut songer à jouer au détective afin de s’entraider aussi  de cette manière à l’intérieur du groupe-classe.

À mon avis, il existe encore trop peu de ce genre  d’expériences sur  les micro-blogues et les blogues. Pourtant,  c’est  un véritable enchantement d’animer ce genre  d’ écrits collectifs  qui bénéficient d’une interdépendance manifeste. Poursuivons donc collectivement nos pérégrinations, car nous sommes encore tous pour l’instant de simples explorateurs en ce domaine nouveau qu’est la twittérature!

*VALÉRY, Paul (1974) Cahiers, tome II, Paris, éd. Gallimard, NRF, Bibliothèque de La Pléiade, p.1017
** VALÉRY, Paul (1974) Cahiers, tome II, Paris, éd. Gallimard, NRF, Bibliothèque de La Pléiade, p.1065
***JAKOBSON, Roman (1963)Essais de linguistique générale, tome 1, Paris, éd. de Minuit, p.220
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Juste des E : Microfiction twitterienne interactive et collective


EFFERVESCENCES

En ce sept septembre, le vent de l’est s’élève. C’est l’été et le bébé est né. Ève se sent légère et elle rêve: elle se pense éternelle. Elle prend le temps de se remettre des événements récents. Estelle est près d’elle et elle est très belle. Ève se cherche en elle. Ève se sent mère. Quelle belle fête en ce 8!

Elle se délecte : crème de pèche et thé de menthe verte récemment étêtée. Elle déteste les dérèglements des sens et se sent perplexe. Elle se repent des étés hébétés : que le temps l’élève! Les secrets de cette rebelle restent présents et l’enferment. Le blême ménestrel recèle en ses thrènes, des mèmes, des schèmes et  des scènes de dégénérescence.  Ses lèvres  cernent des empêchements  de tendresse. Elle répète lentement les mêmes  versets et elle reprend les mêmes gestes en décéléré. Eve épelle, émet de brefs et secs excréments de verbe, s’énerve, s’exècre : quel événement!

C’est excellent, très jet-set! Estelle  préfère cette présence céleste dès  qu’elle détecte le spleen des week-end  chez cette mère très empressée. En effet, Ève est Électre blessée. C’est que les gènes pèsent, enferment l’être, empêchent de s’éprendre. Tweet-pensée d’Eve : « L’enfer, c’est rester je, c’est prendre perpèt’, c’est l’éternel, c’est l’Éden! » Bref, Eve  excelle et cherche des lettres. Ces lettres-fenêtres  permettent des renversements éphémères.

En même temps, ces références s’entremêlent en elle. Perles de verre, spectres et cerbères, essences délétères. Elle est très très frêle Estelle! L’énervement d’Ève berce le bébé de présence tressée de serments répétés. Estelle étend ses lèvres belles, tel le texte de l’être que des semelles de vent mènent près d’Yemen. Les ténèbres  derechef cernent cet être de légende de démêlés pervers. Le père est resté enfermé et les membres externes de cette secte vengeresse tempèrent ses effervescences.

La femme aux serpents
Église de Gourdon en Bourgogne

Certes, les femmes s’espèrent fées. Qu’élèvent-elles? Les serpents d’Eve? Les serments d’Estelle? Serments ensemencés, regrets enfermés, cendres déversées. Et le sens est céleste, et les cendres enterrées. Elfes et dentelles, ententes  échevelées, démence légère. D’emblée, cette recherche véhémente d’elle-même tempère cette  sécheresse  extrême et le dégel des prétextes entre-temps créés. Exégèse d’elle-même? Experte, esthète, elle se décerne d’éphémères présents, et l’éternel été, légèrement, se révèle. Les trèfles verts près des mélèzes scellent des regrets  terrestres. Estelle émet des gestes-remèdes  éthérés et Ève  les décèle, les prend et se relève de cette détresse sévère. Elle déterre ses rêves-échelles, réverbères délestés de l’enfer décédé.

Le 10 décembre 1969 : l’excellence est fêtée. Le chèque est prêt. Le mec entend «Beckett», peste et rejette. C’est le stress! Le mec, c’est le père de Éve. En 2009, elle-même reprend Beckett et s’éprend en même temps de Derek, le père d’Estelle. Elle  est célèbre et met en scène des textes  brefs. Cette lente exégèse de l’éternel, essence de l’événement, élément révélé de cet être éthéré, régénéré… et tellement désespéré. Le verset révélé de cet esthète écervelé et édenté resté vénéré, étrenne l’effervescence de ce preste été espéré. Derek-Beckett, c’est en pensée le regret des  enfermements précédents et  le tremblement des ténèbres en ces sphères  percées. Descentes extrêmes et excès redressés, prétextes éventrés et décès empêchés. Rêves échevelés et espérés, préférences rebelles et sentences tempérées : régénérescence secrète  d’Estelle, le bébé d’Ève et de Derek, en cet été exempté de véhémence.

Voici, par ordre d’implication, la liste des personnes qui ont participé à la cocréation de cette microfiction monovocalique :

@Aurise @georgesgermain @nathcouz @jmlebaut @Alcanter @Le_Gugu

 

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Microfictions twitteriennes monovocaliques en A,I,O,U

ABRACADABRA

Hanna gara la Tata là-bas. Sacha la lava. Max planta sa navaja dans l’avant-bras d’Andras. Ça rata pas. « Ça va pas, fada! » brama Andras, s’affalant à grand fracas. Max l’accabla. Max attrapa Andras « Gras malabar, tança Sacha, bâtard raplapla« . Hanna chatta  Carla. La gang rama, alla là-bas à Wawa sans fla-fla. « Padam Padam la la la …« , chanta Carla : Vartan à l’Alhambra? Callas à la Scala? La star Gaga la mata : ah la cata! La nana chanta, dansa, charma sans fracas. Slam? Rap? Sa gang rampa avalant babas, ananas, tapas sans gras trans. Chabadabada.

« A dada, Carla, sac à baccarat! » lança Tzara, gars sans tracas, anar hagard, grand fada. Ah, bah, là Adam a mal. L’a qu’à pas! Grand pacha Adam dans l’hamac.  Mara attrapa l’avatar harassant. »Abracadabra Canada! » Adam, Carla, Tzara, Max, Andras, Hanna, Sacha … paf ! la smala s’affala. Patatras ! Hanna s’attacha à Sacha, pas à Max. Accaparant la star, Hanna chanta La Sarpatta : « Bavas aka ma sarpatta parda, ma la macha ma la macha… » Max  blâma Sacha dans la pampa : « Ams tram gram… » jacassant, cacassant, fracassant sans tabac « Taratatata…. » Max alla là à pas las, jazzant  sans flafla avant Las Palmas, La Paz, Santa Barbara. « Ha… Ça va? »  » Pas mal! » TamTam Macadam à Alma, capta l’Artagnan passant par là, attrapant l’alpaca blanc maharaja.« Va dans la casbah à Casablanca sans mandala, l’art  chassant cafard, tracas, karma. »

Gars galant s’attabla sans flafla à la casa, gars galant à l’atlas charma la Falbala. Grands gars planant,  nanas dansant, tant ça va mal dans l’achat-rachat d’art, lamas, astrakan, plants : dharmas  achalants. Quand Kafka, franc manant, bras ballants, attaqua papa, l’art l’abrasa, l’accabla : sana! sana! sana! Hahaha Jamal phrasa ça sans plan, pas mal barbant! Chants, mantras, rap, slam, jazz, java…va par là, grand tarla! Dans la Lada, ça valsa, bardassa, castagna : clang, vlam, crap, bang, tchlack, crack! Carla ramassa tant d’ananas, appâta tant d’anabas qu’à Laval dans sa casbah, ça alarma Anna. Bazardant pas mal d’avatars charmants,  Anna s’accapara l’amas pascal, Walhalla fracassant. Clac à Caracas : sans  abracadabra ? Nada.

BIBI-TRIP

« Bibi, simili fils? » , dit-il, « Cristi! » Il prit six kirs, dix mix gin-kiwi. Fin gris, il fit tilt! RIP. Ici Mimi dit : « Lis Tintin, c zinzin! » – « Si » dit-il. Il lit, il lit, il lit : bris, cris, tris, prix, gris-gris. Il rit, il rit, il rit. Hi hi hi ! C fini ? Clic! Il prit riz frit, blinis, kiwis, vin divin. « Miniminimini, ici Mistigris! » Wikis incisifs, wifis distinctifs, chichis primitifs, instinct fictif. Lili fit fi ? Ci-gît Lili…Dring, dring! Film  strict, sphinx d’Isis, rikiki d’infini! Divin vizir, il rit, lit l’hindi. Infini cri gris hi-fi, rififi… riz frit, simili whiski, bikini, mini zizi… si ! Bis, ibis !

MOMO

Forçons nos mots, osons nos propos forclos, comptons nos morts, contrôlons nos sorts! Opposons nos sons, soyons snoros, controns pognon, gros shows, photos. Ô Yoko Ono ! Composons nos blogs! Vos noms? Kosowo, Brokopondo, Togo, Congo? Montrons nos crocs. SOS, Ho’oponopono ! Formons coops, opposons nos NON, sortons Zorro! Loto-bonbon STOP ! Chloroformons mononcs morons. Ô Goths, Ostrogoths, Bobos, sortons nos cocons ronds, nos ponts longs, nos sols choco, nos shows rococo. Donnons Nord, ONF, Orford : croyons Toronto. Nos profs d’Oxford ont tort.  Thor VS Frollo, condors VS clodos,  or blond VS bols profonds. Ô cocos trop gros, trop ronds, trop sots, trop pros. Godot dort? Godot mort? Stop! Pozzo grognon : «Morfondons, ronchonnons, colportons, complotons! Non, bronzons, chloroformons, photocomposons nos os!» Confortons Pozzo, coffrons Godot. Trop tôt? Non, osons. Ô Momo!

L’URUBU D’UBU

Chut! Chut! Lustucru. Vu  sur  l’humus un urubu. Zut! Dur summum : nu sur l’tub, un pur duc Zulu chut sur l’cul. Zut!  Ubu? Un plus l’urdu lu! Du vu, du lu, du su, du cru sur un mur  Ubuntu. Lustucru but un fût d’un pur jus sur, d’un jus mûr. Plus qu’un cru : un dû. Lulu fût nu, cul nu. Un plus? sûr? Humm! Vu un cul nu d’urubu : nul! Lu un Lucullus. Dû un lustucru cru, dur. Un mucus dru, un fût mû sur mur dur. Un jus, Luc? Ubu but du pur jus mûr vu sur nul.fu. Lustucru, Lustuvu, Lustubu? Lulu, l’urubu d’Ubu, un hurlu?  Lululululululululululululululululuuuuuuuuuuuuu……*

* Clin d’oeil au poète Claude Gauvreau, voir dans l’article ci-joint le poème issu des Jappements à la lune (p.16)
Addendum (15-09-2011)- Quelle ne fut pas ma surprise ce matin en parcourant « L’atlas de littérature potentielle » (1981, p.215)  de découvrir par  un pur hasard que les phrases ci-après provenaient directement de Georges Perec (Gargas Parac) « Max planta sa navaja dans l’avant-bras d’Andras. Ça rata pas. « Ça va pas, fada! » brama Andras, s’affalant à grand fracas. Max l’accabla. » Un beau test de culture ! Il ne s’agit pas de chercher un coupable,  mais juste d’en tirer une leçon. Comme quoi nul n’est à l’abri des tours que peut nous jouer la mémoire par inadvertance.  Au nom du groupe, mes excuses posthumes à cet Oulipien de génie qui, en plus de nous inspirer, a collaboré à son insu.

Voici, par ordre d’implication, la liste des personnes qui ont participé à la cocréation de ces microfictions monovocaliques corédigées simultanément:

@Aurise @machineaecrire @richard291 @dawoud68 @jmlebaut @Alcanter @georgesgermain @samdrine @meme_aimee @gtouze @bbesnard @JeanDore @Felixggenest @nathcouz @Le_Gugu @Lygoma @AndreRoux
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Textique et jeux textuels

Vers la textique

C’est Jean Ricardou, en établissant les assises du Nouveau roman, qui a évoqué la Textique comme une nouvelle science possible du texte qui n’a pas vraiment encore vu le jour. On croit souvent à tort que la littérature repose sur la prétendue inspiration, alors qu’il s’agit fréquemment d’un jeu d’orchestration des possibles qui surgissent parfois de curieuse manière. Victor Hugo disait que « La forme, c’est  le fond qui remonte à la surface »: intuition fulgurante, car en  manipulant les signifiants, de nouveaux signifiés surgissent pour nous propulser ailleurs. En effet, Ricardou voyait l’histoire comme une conséquence émanant d’un dispositif choisi : le contraire donc d’avoir l’idée d’une histoire et de la disposer sur un support. À partir d’une équation mathématique, de contraintes sur la langue, des idées surviennent et s’enchaînent. Il suffit d’enclencher la mécanique textuelle pour fabriquer du texte. On a vu dans l’élaboration collective et interactive du  twitteroman sansE que c’était chose possible, surtout lorsque l’on bénéficie de l’apport  d’une collectivité twitterienne vigilante et allumée.

Pour une nouvelle textualité

Je désire tout d’abord rappeler, à la suite de Jacques  Derrida* dans  De la  grammatologie, cette science générale de l’écriture, que le mot écrire signifie gratter, écorcher, graver, griffer, inciser, tracer, faire des raies… Il provient du grec γράφειν [grapheion] qui a donné le mot latin  graphium, un instrument pour écrire, ce petit poinçon en ivoire ou métal, une sorte de stylet permettant jadis de graver des symboles sur des tablettes de cire. Ce mot a donné en français, en plus du mot graphie, le mot greffe ou greffon. Par ailleurs,  Julia Kristeva nous  rappelle** que l’étymologie du mot lire provient du latin « legere » qui signifie ramasser, cueillir, voler, piller, prendre, ravir… On constate ici la pertinence de la métaphore médicale où LIRE, c’est extraire ou prendre, et   ÉCRIRE, c’est greffer,  insérer des éléments. C’est tellement vrai que les guillemets peuvent être vus comme des points de suture, comme des marques de cicatrisation desdites greffes, puisqu’un collage d’éléments est introjecté dans un texte. Pensons aux citations intégrales ou d’idées. On a appris à reconnaître leur extraction d’un autre texte. Pensons quand même aux scrupules qu’éprouvent certaines personnes à  prélever ou à emprunter des mots un peu partout dans les dictionnaires, dans les conversations, dans les journaux, dans les romans d’autrui ou ailleurs dans de multiples textes qui leur tombent sous les yeux. Oui, l’écrivain ou le scripteur s’abreuve volontiers et sans remords dans ces eaux prolifiques ou encore circule bien  librement dans ces mines d’or qui hébergent la langue au plan lexical ou syntaxique.

Comme le dit si bien  Roland Barthes dans Le plaisir du texte, le mot texte provenant  du latin  « tessere »,  a donné en français le mot  TISSU ***. Un tissu  constitué de chaînes et de trames,  constitué de mots imbriqués fortement les uns dans les autres pour tisser un entrelacs de significations. L’amalgame résultant de l’opération écriture-lecture correspond à un véritable tissage de  mots (texture) et provoque des significations émergentes. Le tissu textuel ainsi constitué et  issu du lire-écrire  devient riche et dense de surcroît.

Un nouveau projet double afin d’expérimenter  le monovocalisme

Aujourd’hui, je vous propose en simultané deux nouveaux projets twitteriens  apparentés. Un texte en continu  émergera à partir de ces fragments épars issus du respect d’une contrainte encore plus difficile à respecter que celle du roman sans E. Il faudra certes les assembler ensuite  le mieux possible dans une continuité qui proviendra de nos efforts collectifs conjugués. Au lieu d’un roman lipogrammatique, c’est à une expérience littéraire ludique de monovocalisme que je vous convie cette  fois.

Que pourrait-on faire de tous ces E délaissés lors de l’expérience du roman sans E?

Pourquoi ne pas leur accorder dès maintenant  une place avantageuse et tenter de reproduire collectivement l’autre prouesse de Georges Perec avec Les Revenentes (oui, il a pris une légère liberté avec la langue pour attirer l’attention au lieu d’écrire Les Revenantes) avec comme voyelle possible #juste des E, accentués ou non. Une autre invitation pour une collaboration en ligne qui sera sans doute poétique ou sous forme de récit discontinu,  mais qui sait où cela pourrait nous mener? Collectionnons les mots ayant juste des E  puisque nous avons déjà eu recours à d’autres mots qui n’en comportaient pas :   Janus revisité. Les deux pôles ou visages d’une exigence accrue.

PROJET-A: Il s’agit de rédiger collectivement un texte sous forme de court récit fictionnel en formulant des énoncés sur Twitter où la seule voyelle acceptée sera le E. Alons-y une phrase à la fois! On pourra inscrire ses gazouillis  sous le croisillon ou mot-clic #justedesE. À titre d’exemple, voici la première phrase:

@Aurise C’est l’été et le bébé est né. Ève se sent légère et elle rêve: elle  se pense éternelle. #justedesE

PROJET-B: Vous préférez relever un défi encore plus difficile mais sans nécessaire continuité? Vous pouvez alors  choisir une autre voyelle. On sait d’ailleurs depuis Rimbaud que les voyelles ont leurs couleurs respectives. Pourquoi pas du monovocalisme en A ou en I comme l’ont fait deux twittérateurs à date? Pourquoi pas à d’autres moments en O ou en U ? On pourra déposer ses gazouillis sous le croisillon ou mot-clic #autrevoyelle. Même s’ils  s’inscrivent a priori dans un espace de discontinuité, nous verrons bien ce qu’il adviendra une fois le collage effectué et, si cela est possible, quelques liens monovocaliques imbriqués.

En voici deux exemples provenant d’un commentaire reçu pour mon billet concernant l’OuLiPo et l’autre comme  gazouillis reçu lors de la corédaction du  chapitre 6 du twitteroman sans E:

@richard291 Max planta sa navaja dans l’avant-bras d’Andras. Ça rata pas.- Ça va pas, fada! brama Andras, s’affalant à grand fracas. Max l’accabla.  #autrevoyelle

@machinaecrire « Bibi, simili fils?« , dit-il, « Cristi! » Il prit six kirs, dix mix gin-kiwi. Fin gris, il fit tilt! RIP. #autrevoyelle

Bien entendu, de tels jeux textuels axés sur un plaisir indéniable s’expérimentent en soi à l’heure de la Twittérature, mais s’intégreront inévitablement et progressivement à l’éventail stratégique du scripteur motivé. Vous avez  le goût d’essayer? Je vous invite fortement à participer. Vous aurez, par la suite, accès à nos trouvailles collectives que je colligerai amoureusement.

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* DERRIDA, Jacques (1967) De la Grammatologie, Éditions de Minuit, p. 180
** KRISTEVA, Julia (1969 ) Σημειωτική Recherches pour une sémanalyse, Paris, Seuil, p. 181
*** BARTHES, Roland (1973)  Le plaisir du texte, Paris, Seuil, p. 100
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Twittérature, formes brèves et contraintes bénéfiques


Les récits brefs ou microfictions aux formes rebelles et exploratoires sont à la mode ces temps-ci et ils témoignent  de la déconstruction ambiante, des structures évanescentes d’un univers souvent éclaté et fragmenté. C’est d’ailleurs Roland Barthes qui célébrait l’ère du fragment pour décrire la spécificité de notre post-modernité. En effet, les formes narratives brèves ne constituent plus nécessairement des genres mineurs dans la littérature contemporaine. Les nanotextes de Patrick Moser et les micronouvelles qui remontent à Hemingway se multiplient depuis un bon moment déjà. Pourquoi alors persister dans l’ignorance de la microfiction ou de la fiction éclair en dépit du fait que l’on assiste actuellement à une explosion sans précédent de micro-récits?

Écrire aujourd’hui…

À l’heure des microblogues, le milieu scolaire s’interroge sur les genres d’écrits à proposer  aux élèves qui n’ont jamais  autant écrit durant leurs moments libres et à l’extérieur de l’école ainsi que le rappelle Sébastien Stasse (alias @sstasse) dans le montage vidéo « Comme hier? » qu’il a produit. Déjà que le destinataire soit bien réel n’est pas une mince affaire. Il a toujours été problématique de s’assurer d’avoir des lecteurs pour les productions écrites depuis que la prise en compte du destinataire figure dans les programmes d’études.

Bien sûr que c’est davantage évident cette nécessité de prise en compte lors des écrits factuels, mais il est bien agréable aussi de contacter des lecteurs directement ou indirectement avec des écrits plus littéraires. Déjà une certaine effervescence se fait sentir grâce aux innovations de certains enseignants. Jean Doré (alias @JeanDore) raconte sur son blogue l’exploit de #12hommes qui amène ses élèves (voir leurs réactions)  à recourir au microblogue pour constituer une banque d’arguments et de contre-arguments à partir de déclencheurs filmiques fortement mobilisateurs avant de rédiger leur texte argumentatif. Il y a aussi Annie Côté (alias @AnnieSentiers et @Annierikiki) qui publie depuis quelques semaines les meilleurs  gazouillis de ses élèves de cinquième secondaire en leur proposant des défis hebdomadaires hautement stimulants (ex. faits divers, rêves, horoscopes farfelus, fausses citations). Elle vient d’ailleurs  tout juste d’élargir sa croisade en proposant la rédaction d’un mode d’emploi à toute  la communauté Twitter,  son premier devoir pour tous #devoirpt en mettant au défi tout un chacun qu’elle a pris la peine de solliciter non seulement collectivement mais souvent même individuellement. Nous sommes tous devenus ses élèves en ce 25  avril 2011 et même les élèves de ses élèves: une délégation inversée nettement dans l’esprit oulipien. Cette initiative  a d’ailleurs été valorisée dans le journal de ce matin. Que @pierrepaulpleau alias @JYFréchette ne soit pas bien loin n’étonnera personne depuis que l’on a entendu l’entrevue radiophonique qu’ils ont tous deux accordée en mars dernier et maintenant que le journal Le Soleil accorde davantage de visibilité à ce projet qui gagnera de plus en plus d’adeptes au fil du temps.

Vers de nouvelles pratiques rédactionnelles

Partout des expériences sont en cours, non seulement sur Twitter mais avec de nouveaux logiciels. Je songe notamment  à @slyberu et à sa poésie collaborative avec Meeting Words. Je pense aussi à @jmlebaut , outre Atlantique, qui a compris depuis longtemps l’impact d’un blogue de classe (i-voix) pour amener ses élèves à se surpasser culturellement  en explorant des formes canoniques ou non  de lecture-écriture et de réécriture.

Encore trop souvent dans l’ombre pour l’instant, plusieurs pédagogues moins frileux s’agitent et leurs initiatives erratiques, ponctuelles ou arborescentes commencent à émerger du milieu au-delà de la morosité ambiante et répressive qui survient lorsque les milieux scolaires tiennent un double discours et des injonctions fortement paradoxales: oui, allez-y, explorez….mais, attention, on vous bloque quand même Twitter, Facebook et même Internet! C’est sans doute pour accroître la détermination des troupes qui refusent de se plier à leurs diktats contradictoires et empreints d’une peur sournoise.

Réécritures, parodies, pastiches, détournements et retournements : les œuvres des autres deviennent des matériaux utilisables et acquièrent une nouvelle existence dans ce recyclage symbolique: la filiation entre les textes s’accroît et l’intertextualité de surcroît. Le lire-écrire se réunifie volontiers, à l’instar du parler-écouter, dans  l’interaction inévitable afin que la nanoprose et la nanopoésie prennent leur  envol dans  cette nanolittérature qui commence à avoir le vent dans les voiles. C’est le cumul des gazouillis (tweets) qui confère son intérêt à la chose. Demander aux élèves ce qu’ils pensent d’un phénomène, d’un article lu, d’un événement raconté, de l’agissement d’un personnage fait en sorte qu’un bouillonnement de paroles et de mots survient aussitôt.

La question à se poser demeure celle-ci: que peut-on inventer en 140 caractères ou moins? Même s’il n’est pas indispensable de recourir à ce microblogue qu’est Twitter, il deviendra de plus en plus évident de constater que les échanges  sont facilités par la possibilité de rétroactions directes, cumulatives  et immédiates. Voici d’emblée quelques suggestions rassemblées à des fins facilitatrices pour circonscrire ou orienter des actions possibles en classe de Twittérature,  et présentées ici sous forme de jeux expérientiels sollicitant la collaboration de tous.

Quelques formes brèves à explorer et à subvertir!

Pourquoi ne pas recourir, à l’instar de pédagogues innovateurs, à ces formes brèves qui s’éclatent et s’amplifient en raison du collage progressif virtuel ou non de tweets rassemblés de façon plus ou moins manifeste? Pour susciter des explorations échelonnées, voici une ébauche de répertoire évoquant quelques possibilités exemplifiées fréquemment à l’aide de Wikipédia:

ABÉCÉDAIRE: Les mots successifs doivent suivre l’ordre alphabétique et idéalement contenir le plus possible de mots contenant la lettre mise en évidence.

ACRONYME: Groupe d’initiales abréviatives qui se lisent ou non comme des mots et auxquelles on peut donner toutes sortes de significations et s’amuser avec les définitions des autres personnes qui en proposeront également.

ACROSTICHE : Poème de longueur variable pouvant être élaboré à plusieurs et dont le nombre de vers dépend directement du nombre de lettres d’un mot de départ   et dont les vers commencent aussi par les  initiales  les lettres successives de ce mot ou prénom.

ANNONCE : Communication relative à un événement  avant qu’il survienne. Faire en sorte qu’il soit en lien avec la culture (spectacle, film, récital, parution d’un livre…)

APHORISME : Remplacer les éléments d’un aphorisme de départ par d’autres de même nature.

ARGUMENT : Allégation ou assertion sur laquelle on s’appuie pour justifier sa position.

BILLET : Très court éditorial pouvant être humoristique, sur un micro-blogue en plus.

BLAGUE : Histoire drôle conçue à partir de diverses techniques pour susciter le rire.

BOUT-RIMÉ :Le bout-rimé est un poème dont les rimes sont imposées par quelqu’un

BRÈVE : Nouvelle ultra courte résumant un événement survenu, imaginaire ou non.

CADAVRES EXQUIS : Phrases obtenues par pliage ou collusion de groupes de mots produits de façon aléatoire.

CAVIARDAGE : Suppression au hasard (ou noircissement) d’éléments d’un texte littéraire ou  courant pour   constituer  un texte poétique à partir des mots rescapés.

CHAÎNE DE MOTS : Chaque mot additionné  doit commencer par la dernière syllabe du mot précédent. Il s’agit d’un jeu de kyrielles.

CHARADE : Genre de devinettes structurées à  partir de la structure canonique: Mon premier est … Mon deuxième est … Mon troisième est…. Mon tout est…

CHASSÉ-CROISÉ : Permutation, mouvement ou  déplacement d’éléments dans deux séquences identiques qui deviennent aussitôt croisées.

CITATION: Énoncé provenant d’un auteur célèbre ou en devenir. Des vraies, mais aussi de fausses citations plus créatives.

COLLAGE : Rencontres improbables  de courts énoncés pour créer des effets en les rapprochant, en les juxtaposant, en les plaçant  les uns à la suite des autres.

DÉDICACE: Si vous étiez un écrivain devant dédicacer un livre réel ou imaginaire, qu’écririez-vous?

DÉFINITION fictionnelle : Fausse définition inspirée de celles des dictionnaires et qui  a l’air vraisemblable.

DESCRIPTION: Précisions organisées relatives à un lieu, à un souvenir, à une personne, à un animal ou à un objet.

DEVINETTE : Jeu d’inférences très court habituellement structuré selon le modèle suivant:  Je suis… J’ ai… Qui suis-je?

DIALOGUE : Conversation réaliste ou farfelue entre des personnages fantaisistes ou réalistes qui peuvent tout aussi bien être des objets, des animaux ou des concepts.

DICTON: Capsule de sagesse ayant franchi les âges sous forme de formule figée.

ÉNIGME : Genre de devinette ou d’allégorie obscure comportant  un problème souvent difficile à résoudre.

ÉPIGRAMME : Poème très bref  comportant une pointe satirique. Le plus court des genres littéraire, puisqu’il consiste en une inscription.

ÉPIGRAPHE : Citation  indiquant l’esprit d’une œuvre et mise en exergue au tout début d’un roman.

ÉPITAPHE :Brefs énoncés concernant une personne décédée.

ÉPENTHÈSE: Jeux de mots introduisant des liaisons expressément voulues.

EXCUSE : Argument de bonne foi destiné à éviter un reproche. Inventer des excuses farfelues et créatives pour toutes sortes d’occasions.

EXPLICATION : Raison, énoncé pour éclairer un fait, une action, un choix.

FABLE EXPRESSE : Une ou deux phrases complétées par une morale.

FAIT DIVERS: Narration d’un événement anecdotique généralement considéré comme banal.

FRAGMENT: Morceau textuel provenant d’un texte plus long atomisé pour les besoins de la cause.

GLOSSAIRE : Précision de termes rangés alphabétiquement accompagnés de leur définition. Michel Leiris disait que l’on y serre ses gloses: bifurcations, dérives et errances.

GREFFE : Découper des alexandrins à l’hémistiche (à la moitié) et les croiser  ou   les associer de façon aléatoire.

HAÏKU : 5-7-5 syllabes sur 3 lignes: ce sont les canoniques, mais on peut aussi en 3 vers prendre certaines libertés.

HISTOIRE EN CHAÎNE : Un énoncé en convoque un autre qui s’y arrime comme il le peut. Le Twitteroman sans E en est un exemple. Un long texte non prémédité et non planifié peut en dériver résultant du collage de gazouillis interreliés.

HOROSCOPE : Reprise des catégories  des horoscopes zodiacaux en tentant de les affranchir de l’influence des planètes et en induisant des suggestions de tous ordres plus ou moins  farfelues.

INCIPIT : Débuts ou commencements de récits, de romans et de nouvelles. De la première phrase découle inévitablement un texte qui s’y arrime. Aragon en a vanté les mérites et la puissance: pourquoi ne pas en colliger?

INVENTAIRE : À la suite de Prévert, en constituer de poétiques à partir de divers matériaux thématiques en y insufflant une  propension numérique.

KOAN : Énigme insoluble qui fait longuement réfléchir et qui plonge dans un état méditatif.

LOCUTION INTROUVABLE : Fabrication, à la manière oulipienne, d’une locution qui semble authentique mais qui n’existe pas encore.

LOGORALLYE :  Utilisation de quelques mots imposés en faisant en sorte qu’ils figurent dans une même  histoire selon un ordre donné. Il s’agit du parcours obligé des oulipiens.

MAXIME : Formulation frappante et imagée résumant une réalité observée ou témoignant d’une conception du monde.

MODE D’EMPLOI: Articulation d’une façon de faire pour l’obtention d’un résultat dans diverses sphères de la réalité factuelle ou fictionnelle.(Voir le #devoirpt ci-haut mentionné)

NOUVELLE : Courte histoire comprenant généralement une chute étonnante. Penser aux micro-nouvelles en 3 lignes de Félix Fénéon.

PARODIE : Imitation faite avec une intention comique dans le but de faire rire.

PASTICHE : Écrire « à la manière de… », en reprenant des éléments du style d’un auteur favori.

PENSÉE : En s’inspirant de pensées célèbres (ex. celles de Pascal) effectuer des collages de  fragments, ou articuler des pensées nouvelles en modifiant sensiblement des pensées connues.

PRÉCEPTE: Énoncé  destiné à orienter un  mode de vivre ou à induire des actions ou des convictions profondes.

PROVERBE DÉTOURNÉ : Conserver les débuts de proverbes existants et proposer diverses suites pour fabriquer des faux proverbes. Apprécier les trouvailles effectuées.

QUESTION/RÉPONSE : Jeu surréaliste d’association de questions plus ou moins farfelues posées sur différents thèmes avec un collage de réponses aléatoires. Variante du jeu « les petits papiers ».

SARDINOSAURE : Mot–valise oulipien constitué avec des noms d’animaux, que l’on peut décrire ou définir en déployant son imagination ou en demeurant au pied de chaque lettre.

SENTENCE: Énoncé moral ou résultat concluant un procès ou l’audition d’une cause dans un contexte de légalité qu’il est possible de détourner ou de poétiser.

SLOGAN : Énoncé rassembleur utilisé  en fonction d’une cause ou d’un événement.

TANKA:  Poème de 31 syllabes sur 5 lignes, plus long qu’un Haïku mais s’inscrivant dans la même veine.

TITRE : Trouver des titres percutants est un art. Demander aux élèves  quels titres ils donneraient à tel ou tel événement raconté. Faire comparer les titres en indiquant ses préférences et en les justifiant.

TWILLER : Un « thriller» est un  roman  à fort suspense composé sur Twitter, un genre de roman policier résultant du cumul des gazouillis individuels. Même si le roman ne constitue pas d’emblée une forme brève, son traitement sur Twitter permet de le percevoir sous un angle collaboratif.

VIRELANGUE: Casse-langue,  fourchelangue ou trompe-oreilles, il s’agit d’un énoncé difficile à prononcer et qui nécessite beaucoup d’attention pour le prononcer correctement et de plus en plus rapidement en le répétant à plusieurs reprises.

Quelques contraintes littéraires  à jumeler aux formes brèves!

Centrées sur des  jeux de mots, les explorations contraignantes  de la  langue mises de l’avant par les célèbres  Oulipiens (voir la photo) procurent un plaisir ludique. L’OuLiPo (L’Ouvroir de Littérature potentielle) a prouvé l’intérêt des contraintes littéraires pour faire mousser la créativité. Pourquoi pas un horoscope à partir d’assonances et d’allitérations? Pourquoi pas un twitteroman lipogrammatique? Pourquoi pas un bout-rimé avec des anaphores? D’innombrables combinaisons sont possibles et les explorations deviennent  bien vite oulipiennes.

ALLITÉRATION : Retours multipliés de plusieurs consonnes  dans un énoncé poétique.

ANAGRAMME : Permutations de lettres pour former des mots ou même des poèmes.

ANALOGIE : Lien possible entre deux idées qui à première vue ne semblent pas apparentées.

ANAPHORE: Répétition des mêmes mots au début d’un poème à des fins incantatoires ou chaîne  anaphorique de mots substituts pour éliminer les répétitions dans les phénomènes de reprise grammaticale.

ASSONANCE:  Répétition harmonique  de mêmes sons vocaliques (phonèmes) dans un énoncé.

CHIASME : Placement inversé des segments de deux groupes de mots.

CLICHÉ : idée ou expression  trop souvent utilisée. On peut créer des amalgames de clichés.

COMPARAISON : rapprochement d’entités vraisemblables ou non à l’aide de « comme ».

LIPOGRAMME : Énoncés dépourvus d’une certaine lettre ou de certains mots. On peut  systématiquement omettre des lettres peu fréquentes (ex. i, o, a) ou s’inspirer de La disparition de Georges Perec et se passer du E, par exemple comme dans le Twitteroman sans E.

MÉTAPHORE : Image évocatrice se superposant à une autre sans recourir au « comme » de la comparaison. On peut filer des métaphores en les enchaînant les unes à la suite des autres.

MONOVOCALISME: N’utiliser dans les énoncés qu’une seule et même voyelle comme Perec l’a fait dans Les Revenentes.

MOT-TORDU : Tordre les mots à la manière de Pef et de son célèbre Prince de Motordu.

MOT-VALISE : Mot imaginaire provenant de l’amalgame de deux mots existants à partir de leurs syllabes, à la suite de Lewis Carroll et qu’il devient possible de définir ensuite de façon humoristique.

NÉOLOGISME : Mot nouveau souvent obtenu par dérivation pour nommer une toute autre réalité.

OXYMORE : Rapprocher des mots opposés pour créer des effets à la manière des poètes surréalistes.

PALINDROME : Se lit de gauche à droite ou de droite à gauche en conservant le même sens.

PANGRAMME : Phrase qui utilise toutes les lettres de l’alphabet à l’intérieur de mots qui assemblés syntaxiquement font du sens.

PÉRIPHRASE : Plusieurs mots au lieu d’un seul pour préciser sa pensée.

PLÉONASME : Surabondance de termes répétés pour dire la même chose autrement.

TAUTOGRAMME : phrase dont chacun des mots commence par une même lettre.

Évidemment cette liste ne se prétend nullement exhaustive et peut être avantageusement complétée par le recours à des dictionnaires spécialisés à l’instar du Gradus: les procédés littéraires ou par le recours aux divers ouvrages oulipiens. Pourquoi ne pas recueillir préalablement les idées lancées par les élèves  et pourquoi ne pas les encourager à écrire directement sur Twitter? Ensuite, bien entendu, il sera possible d’effectuer des collages de gazouillis, de les préserver sur un blogue et de les transposer éventuellement en format numérique afin qu’ils deviennent des livrels (e-book) accessibles à tous. L’avenir est déjà là pour insuffler une nouvelle vie aux trouvailles créatives du passé qui peuvent nous servir de tremplin fabuleux.

Addendum 2011 04 27 Je vous invite à consulter les merveilleux Défis Borges, à les relever et surtout à vous en inspirer. Comment ai-je pu oublier de les mentionner?

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Réflexions subséquentes en guise de bilan

Parallèlement à cette cocréation du #romansansE, je me suis permis d’aligner quelques réflexions à deux reprises, soit à la suite du chapitre 1 (Quelques réflexions liminaires), puis à la suite des chapitres 2 et 3 (Quelques réflexions adjacentes). Voici donc,  en dernier lieu, quelques réflexions  additionnelles concernant  les chapitres 4-5 et 6 qui sont maintenant publiés.

AAA AAA

La collusion des représentations: derniers constats

C’est Catherine Tauveron qui réfère à ces textes résistants qui programment délibérément des problèmes de compréhension et d’interprétation, soit  en étant réticents (en en disant trop peu) ou proliférants (en en disant  souvent trop). Dans cette optique, j’ai constaté que souvent (volontairement ou non)  les énoncés produits demeuraient ambigus au plan de la coréférentialité. Par exemple, on a pu se demander à un certain moment à quel personnage pouvait  référer le pronom IL, à Nicolas ou  Yorik? David ou Yorik? De l’interprétation de ce simple «Il» dépendait la suite en découlant.

À d’autres moments, des alternatives se laissaient ou non entrevoir. Nicolas survivrait-il ou non à son infarctus? L’un des coauteurs a décidé de mettre fin à ses jours. Quant à son héritage, il était question de Yorik au départ, puis vint l’argument notarial pour désigner Arnaud. La question de la paternité a donné lieu à des sous-entendus, à des hypothèses, à des pseudo-certitudes et à un maintien de l’ambiguïté. Il y a eu également des glissements, des ellipses temporelles comportant des intervalles de quelques  mois ou années pas du tout prémédités. Il y a même eu l’irruption d’éléments contrevenant à la réalité, notamment à l’égard d’Arnaud, un bébé bien particulier. Bien entendu, il y a eu des moments d’introspection, des superpositions, des contradictions, des réorientations, mais aussi des surprises dans les rebondissements imprévus qui sont survenus dans l’esprit d’un certain suspense. Collectivement, il nous a donc été possible de vivre l’inattendu, d’expérimenter le droit de vie ou de mort non seulement sur ses propres personnages mais également sur ceux des autres, d’interférer avec pouvoir sur le déroulement d’un récit évolutif imprévisible: belles nouveautés permises grâce à l’interactivité continue. L’important était de maintenir cette illusion référentielle rendant possible  l’appréhension d’une  réalité plausible ou vraisemblable, d’amener les lecteurs  à y croire dans une certaine mesure. Comme stratégie ultime, pour clore le roman, j’avoue avoir  eu  recours à l’anticipation de ce qui surviendrait plus tard dans le temps (prolepse), stratégie naratologique qui s’est avérée fort utile.

La nécessité de dire autrement: un défi constant

La question a surgi tout au long du roman : « Comment dire ce que l’on souhaite dire sans recourir à des mots comportant des E? Comment le dire autrement?» Pas du tout facile comme tâche et c’était d’ailleurs la principale difficulté rencontrée. Il fallait explorer différemment et à d’autres fins le lexique et la syntaxe. J’en ai évidemment parlé dans mes  deux billets réflexifs précédents mais j’insiste encore une fois sur l’intérêt représenté par  les jeux opérés sur la langue, car il n’est pas du tout évident de se passer du ET dans les énumérations ou de se priver sciemment  de l’indicatif présent. Des choix se sont opérés d’eux-mêmes : il fallait bien que le bébé soit un garçon en raison de l’absence de E dans ce mot.   Sont survenus des clins d’œil culturels et  des expressions fortement connotées ont surgi (ex. dans son pot courtaud), de très rares licences poétiques ont été admises (ex. bondir à l’horizontal) et on a assisté à l’exploration de chaînes anaphoriques non seulement pour éviter les répétitions  mais aussi pour susciter des effets de style (ex. Pour héritage ou  argent =  fric, pognon, avoir, cash, magot… ou pour bébé = poupon, bambin, fils, nourrisson, BB-ado, mini tyran…) S’il y a eu, à certains endroits, une très légère harmonisation des temps de verbes  ou de la ponctuation et même de l’orthographe (ex. Lora et non Laura en raison de la préséance du début du roman), j’ai vraiment préservé l’exploration de ces manières de dire fort  créatives souvent éloignées d’une énonciation conventionnelle.

Mission accomplie!

L’expérience du #romansansE est maintenant terminée. Elle aura duré  six semaines. Amorcée le 6 mars, elle a été conclue avec succès  le 17 avril 2011  grâce à la collaboration régulière ou ponctuelle de 24 participants. Six chapitres ont été publiés à raison d’un par semaine. Ce twitteroman collectif  a dorénavant pour nom Tourbillon . Alors que souvent des titres surgissent au départ pour orienter un projet d’écriture, dans ce cas-ci il n’a émergé qu’une  fois le roman terminé à la suggestion de l’un des collaborateurs @GeorgesGermain. Bien entendu il s’agit d’un clin d’œil à la chanson « Le tourbillon de la vie » interprétée par Jeanne Moreau dans le film culte Jules et Jim dont il est question dans le chapitre 4 notamment et qui circonscrit bien l’esprit de la tornade existentielle qui emporte nos personnages tout au long de leur vie peu banale. Pour les titres des chapitres, ce fut un peu comparable. En raison de la nécessité de titrer les chapitres pour la tablette numérique ou la liseuse, il devenait essentiel de s’y pencher. Voilà pourquoi les titres des chapitres ont été ajoutés dernièrement dans les divers billets du blogue consacrés au twitteroman sansE: 1-David, 2-Yorik, 3-Lora, 4-Trio, 5-Trio quatuor, 6-Arnaud.

Perec et nous

Nous avons pris l’idée du lipogramme chez Georges Perec, plus précisément dans son roman La disparition (où c’est la voyelle E qui est disparue  incidemment), mais nous avons adapté cette contrainte linguistique à un contexte numérique de micro-blogue via Twitter. La difficulté s’est accrue en raison de la participation aléatoire de collaborateurs inconnus  et changeants qui ne se sont jamais concertés, mais qui ont cependant procédé  comme  s’il s’était agi d’une simple histoire en chaîne, mais avec la contrainte lipogrammatique du sansE en plus, et dans un cadre non thématiquement orienté au départ. Rappelons que tous les personnages ont été trouvés par les participants (David, Yorik, Lora, Nicolas et Arnaud), leurs lieux de voyage aussi (Halifax, Le Bhoutan, Paris, les USA, San Francison, Tokyo…), de même que leurs expériences de vie. Pas toujours évident d’écrire de cette façon  ainsi qu’en témoigne Nathalie Couzon alias @nathcouz sur son blogue Randonnée scripturale dans un billet éclairant intitulé « L’invitation au voyage » (clin d’œil baudelairien).

Actuellement, le roman publié en livre numérique fait 68 pages en Baskerville, 63 pages en Verdana, 56 pages en Georgia ou 54 en Times New Roman. Il possède l’originalité de comporter des hyperliens qui introduisent une profondeur informationnelle ou culturelle. Peu importe en définitive le nombre de pages : il est évident que Perec a gagné avec ses 312 pages et c’est très bien ainsi. Mais il y aura mis 4 ans et  nous à peine  quelques semaines, pouvons-nous alléguer pour nous consoler. Certes nous aurions pu continuer longtemps encore.

Pourquoi pas alors?

Y  aurait-il pu y avoir d’autres chapitres ? Probablement. Cela dépendait pour moi  du maintien de l’intérêt  collectif  et du taux de participation des collaborateurs qui   ont consenti à s’y risquer et  même à demeurer dans le roman. Bien sûr que cette aventure aurait pu se poursuivre encore longtemps. Pourquoi avoir décidé de l’interrompre alors? Question de ressenti. Rien n’étant convenu au départ, je me demandais même jusqu’où nous  irions. Rappelons que c’était uniquement un jeu littéraire qui s’inscrivait dans un espace ludique. À quelques occasions, de légères dérives ont été constatées. Cela constituait un défi de les rattraper et de les intégrer dans un espace de cohérence ou de plausibilité. Petite résolution de problème par moments nécessitée. Il y a eu peut-être davantage  de tweets discordants à la fin du chapitre 6. J’ai alors dû mentionner qu’il y aurait  quelques ajustements requis (coupures et fusions) alors que jusque là, il m’avait été possible d’effectuer un collage en maintenant intacts la majorité des gazouillis.  J’ai observé que le ludique pour le ludique possède  ses limites, car le défi consistait aussi à inscrire le tout en continuité. Pas toujours évident de concilier le ludique et le sérieux. Si certaines personnes se reprochent d’avoir lu par moments avec  un peu de désinvolture, qu’elles ne s’en soucient guère puisqu’elles nous ont amenés collectivement ailleurs. Étant donné que « plus du même » (L’École de Palo Alto nous l’a appris) donne sensiblement les mêmes résultats, je pense que l’expérience a livré son potentiel minimal. Essayons ou passons à autre chose maintenant. Bien  sûr que nous sommes à l’ère de l’instantanéité, du zapping, de la déconstruction et du fragment. Je constate que l’on est collectivement devenus peu patients.

Le tissage de la collaboration

Au total, il y a eu pour l’ensemble des six chapitres 24 participants qui se sont manifestés  à des degrés divers: 5 d’entre eux ont assuré une présence continue tout au long des six chapitres du twitteroman sans E (@nathcouz @georgesgermain @AndreRoux @LiseLePailleur @Aurise), 2 collaborateurs ont été présents durant   cinq chapitres (@sstasse @JeanDore), 2 autres coauteurs durant les quatre premiers chapitres (@jmlebaut) ou durant les trois derniers (@marteaudeux), 5 personnes sont intervenues à l’intérieur de deux chapitres non nécessairement consécutifs (@dawoud68, @JF_Giguere @GilbertOlivier @gtouze @Forgasm), et 10 personnes sont venues rejoindre le groupe de cocréation lors d’un seul chapitre, soit au début de l’aventure, au milieu ou à la toute fin (@Lectrices_City @LesMetiers_net @kiwibruissant @AndreeCaroline @gleblanc007 @AlexRiopel @julienllanas @nanopoesie @marcottea @machinaecrire).

Nous avons donc bénéficié de l’apport de 11 collaborateurs pour les chapitres 1-3-5-et 6, de 9 collaborateurs au chapitre 2 et de 14 collaborateurs au chapitre 4. Une fort belle  participation au cours de laquelle certaines personnes n’ont exprimé qu’un seul gazouillis par chapitre alors que  d’autres ont interagi régulièrement en proposant des dizaines de tweets littéraires rattachés aux précédents pour faire évoluer le récit. Quelques-uns des participants se trouvaient outre Atlantique, la plupart venaient du Québec et certains se trouvaient en voyage lorsqu’ils ont participé.  En France comme ici, les hommes ont été majoritairement représentés (19/24).

Je salue au passage les membres de la communauté Twitter qui  nous ont régulièrement  retwittés  ainsi que @machinaecrire pour son texte de promotion rédigé sous forme de lipogramme sans E , de même que l’Institut de Twittérature comparée (voir:  «Twittérature, OULIPO et lipogramme») pour sa reconnaissance et son appui. Si le twitteroman Tourbillon a été mis en format e-book (livre numérique) et si le roman et les billets réflexifs ont été aussi  bien illustrés, c’est aussi grâce à  la  présence créative et indéfectible de @AndreRoux.

Merci à chacun d’entre vous d’avoir accepté de relever  ce défi exigeant, d’avoir mis de l’avant autant de créativité, de détermination et de talent. Merci pour  la générosité de votre implication. J’ai vivement apprécié  votre réceptivité maximale, et surtout votre présence au quotidien. J’ai vécu de fort  belles rencontres virtuelles et un sentiment de communauté s’est  développé au fil du temps. Merci également à la communauté Twitter, car si quelques personnes ont osé prendre le risque d’écrire, beaucoup d’autres nous ont lu  régulièrement, nous ont retwitté abondamment, et nous ont manifesté leur vif intérêt et leur soutien.

Dans un futur prochain….

« Quand tu ne sais pas où tu vas,  va par où tu ne sais pas » suggérait déjà  il y a longtemps le mystique Jean de la Croix.  Je vous inviterai donc à collaborer de nouveau, à faire interagir nos imaginaires, à déployer collectivement nos ressources langagières dans une perspective synergique sans trop savoir d’avance ce que cela va donner. D’autres projets vous seront  incessamment proposés; peut-être pourrons-nous nous y retrouver dans un nouvel espace littéraire ou plutôt twittéraire?

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Twitteroman collectif et interactif sans E (6)


CHAPITRE 6:
Arnaud
( Semaine du 10 au 17 avril 2011)

Huit mois plus tard, ravissant par anticipation un trio conquis, Arnaud arriva au mois d’août. Autour d’un midi tropical, il naquit à la maison, dans un lit à baldaquin.  Son cri suraigu  confirma qu’il s’agissait aussi d’un lion zodiacal. Futur garçon-roi qui contraindra sa maman à moult privations, vivra pour son nombril, ignorant d’autrui, l’ingrat. Un roi glouton qui s’acharnait sur un lolo tari du lait nourissant qu’il avait soustrait à sa maman. Or, Arnaud avait un don. Il marcha à cinq mois. Parla à six. «Maman! Papas!» dit-il, faisant l’accord ad hoc à «papa».

Alors, papa-tonton Yorik reçut un mail glaçant.  Nicolas, transitant à Tokyo, subit un infarctus fulgurant… son taxi prit alors la Shuto Kōsoku Dōro 首都高速道路, fila gaz à fond, sur Tōkyō Ika Daigaku 東京医科大学 mais y parvint trop tard. Mourir au Japon sans appui, à l’hôpital, dans >l’anonymat, dans l’abandon total: tout un sort pour lui. Sort fatal, oui. Nicolas froid, on posta illico son macchab, moins frais qu’un sushi, aux USA où Lora vit à son inhumation. «L’ACV pas banal qui causa sa disparition fut un choc pour nous tous», dit-on alors. «Ainsi soit-il», pria-t-on.

Un choc, oui, mais pas si navrant quand Yorik apprit qu’il gagnait un magot. Nicolas lui laissait tout: yacht, maisons, cash… Finis taudis, gourbis pourris! Bonjour palais à l’apparat colossal, villas au confort royal! Yorik s’imaginait pacha au Bristol. Ciao transport banal. Bonjour Lamborghini, joli char pour ravir dix, vingt nanas sans hic : Du fric à gogo! Du fric pour abolir la prostration, la frustration, la privation. Mois inaccomplis, plaisirs inassouvis. Yorik annonça qu’il quittait pour un mois, laissant Lora sans voix. David fut moins surpris.

Nourrisson brillant, Arnaud vampirisait  un trio pas mal zinzin s’affairant jour/nuit pour lui fournir soins ou amour à profusion. Choc horrifiant quand Lora ouvrit un pli notarial: Nicolas avait transmis tout son avoir à Arnaud. Lora fit part du coup fumant à David qui bafouilla: «Avisons Yorik : nous n’avons plus un sou.» Yorik arriva aussitôt. Lora avait tout par procuration jusqu’aux dix-huit ans d’Arnaud. Mais qui aura la part yang aussi par procuration? L’ADN dira plus tard pourquoi Nicolas avait agi ainsi. Pourquoi Lora mais pas Yorik ni David? L’ADN apprit à Yorik qu’il n’avait aucun droit, ni David! L’ADN apprit à Yorik qu’il n’avait aucun droit sur Arnaud ni son avoir. David non plus! La Lora aux doigts crochus avait tout pris. La manipulation n’avait plus si bon goût. Yorik comprit du coup la domination d’un Nicolas vindicatif qui avait pourtant l’air si amical. Yorik consulta David pour un plan d’action commun. Agir, oui mais… Faudra-t-il punir Lora? Faudra-t-il abolir l’union du trio? Nourrir toujours l’amour d’Arnaud?

Or, Arnaud, ayant un QI inouï à moins d’un an, avait compris la machination. À l’insu du trio, la jouant bambin idiot, il ourdit un plan pour ravir l’avoir patrimonial. «Ha! Ha! Ha!», rugit-il. «Maman aura nada! À moi l’abondant gros lot!». Il conduisit illico son landau jusqu’à la Banco Popular du coin. Suscita-t-il passion ou suspicion? Il parla d’abord, puis cria, chiala, larmoya; on l’ignora, on ôta son landau, on assuma qu’il lui fallait partir au plus tôt. Il fit ça dans un but archi clair, car il n’avait pas dit son mot final.

À l’instar du BB Junior dans un roman commis par Pancol, il  joua, fabula,  complota. Il hypnotisa tout un chacun, faillit sortir grand gagnant, mais à l’instant où il quittait la Banco Popular, il rougit, il pâlit : il avait vu sa maman, Lora, au cou d’un magnat du dollar. Quoi? Lora? Ici? Jouant la Milady? Traquant diamants ou volant son pognon? Il lui fallait la justification illico! Dans son landau, il fonça droit sur Lora qui hurla quand il la mordit au cul.

«Caramba!» brama la mama dolorosa. «Mamma mia, riposta Arnaud, sur l’air disco d’ABBA, pourquoi fais-tu ça?». «J’ai grandi dans la privation. Jamais un sou sous un coussin par la souris quand j’avais 7 ans», chougna Lora. «Aujourd’hui, millions sur millions fournis par ton bon papa : franchir le canal du nul au tout sans faillir, sans ravir? Trop pour moi!», avoua Lora dans un soupir. Non, il n’avait pas dit son mot final, l’Arnaud au QI abracadabrant. Quand il vit la conclusion du ADN rapport, il dut vouloir l’illusion d’abstraction: Arnaud vit son «pai» portugais, Nicolas! Nicolas, Portugais ou Japonais, Ricain ou Anglais, Nicolas sans nation qui vivait pour agir, qui vivait pour son art. Nicolas qui  lui parlait d’acquis, qui lui chantait Ti Cul (Cowboys Fringants), Nicolas qu’il  n’avait pas connu. Nicolas, papa disparu avant d’avoir pu lui offrir câlins ou bisous. Arnaud prit sa doudou dans son landau, prit la position d’un toutou battu. Lora s’alarma : son fils abattu! Jamais il n’avait paru si mal. Lora culpabilisa.

Arnaud, mini tyran charmant mais souffrant, voulait ravoir à tout prix l’amour du trio l’ayant fui. Il coulait, s’abîmait, disparaissait dans l’affliction, aspirant à la consolation. Un vrai snoro, Arnaud, car il avait appris imitant Lora.  Son mal? Du bluff! Bambin, plaisantin, il riait sous capuchon. Abandonnant son gringo nanti, Lora s’affairait, lui prodiguant moult soins, jolis mots doux :«Mon loulou, mon Nono, souris-moi.»

Manquant d’air pour y voir clair, Lora offrit aux gars un forfait d’un mois pour Cuba. Un jour plus tard, Yorik-David, duo appauvri, partit main dans la main. Cayo Coco, Holguin, Guantanamo, Santiago, Cayo Largo, La Havana, noms tropicaux pour nos routards, marchant pack-sacs au dos.

À la maison, un CD jouait la chanson Mistral Gagnant qui calmait son agitation. Lora fondait, car la voix d’or aux mots puissants, à l’air captivant, drainait la division dans l’union: chaos, illusions, dissimulations. Dans un tourbillon d’actions, jonglant à  sa situation, Lora faisait un bilan couvrant son parcours. Un constat: son amour pour Yorik-David s’approfondissait. Amants ou compagnons? Corps à corps ou rapports aidants? Mais il n’y avait plus Nicolas quoiqu’Arnaud fût son portrait troublant. Lora, subissant un tournis, tomba sur un sol dur qui lui fit mal. Yorik-David ? Un duo trop lourd plus du tout attirant. Un duo couci-couça qui n’allumait plus sa libido.

Quant à lui, Arnaud, un  BB-ado, grappillant l’amour  vaincu s’accrochait surtout à Loco Locass, sa cour ayant disparu. Soudain, un pli tomba: rapport d’ADN approfondi, moins brouillon, la filiation Arnaud-Nicolas disparut! «Mais qui planta mon grain dans Lora à la fin?» insista Arnaud, à bout. Lora aurait tant voulu discourir. Arnaud gardait tout l’avoir, mais qui incarnait son vrai papa? Pas Nicolas, ni David, ni Yorik, qui donc? Un gars du showBIZ, glissant au fil du courant? RV d’un soir au Ritz qui finit au lit?

Ail, curcuma, chili, origan, oignon, raifort, wasabi: tout ça dans un but frugal? Allons donc! Concoction pour rats! Fricots sans plaisir, plats trop piquants, trop puants pour un marmot qui voulait mourir tout à coup, car il ignorait son papa. Lora lui apporta son lait: fini n-i ni  l’intoxication! Arnaud n’aurait plus faim d’amour. Sans façon, il s’inscrirait dans l’abus du mal, du mauvais, du poison, du surabondant. Il valait un sursaut d’inconfort, il militait pour  un infini à rabais. Il lui fallait fuir l’humiliation du bâtard. Il opta pour la transformation du savoir, pour la mutation du mal par l’Art. Arnaud avait la conviction d’un choix: sort à subir ou s’affranchir? Un bâtard qui babounait, injuriait sa maman qui l’allaitait toujours, qui lui avait tout pris, sans vrai tact, au couchant du naissant. Lora cajolait son Arnaud qui doutait. David-Yorik à Cuba. Quid du script? Quid du roman? Sans transition, ça faisait Polanski!

Cinq ans plus tard, David vivait toujours à Cuba. Il photographiait, filmait, faisait du yoga: il gagnait ainsi son pain. Yorik l’aidait quand il pouvait, mais il tournait aussi aux USA à l’occasion. Ayant choisi Paris,  Lora avait mis dans son fiston, tout son amour fluctuant, l’amadouant pour qu’il soit instruit, savant, un parfait habitant d’un futur mutant. Arnaud voyait  2-3 fois l’an David-Yorik, duo distant mais non banal, qui façonna  au fil du continuum fugitif son moi affirmatif râlant toujours pour sa part d’absolu.

FIN de Tourbillon, roman sans « E »

Retour au chapitre 5

Voici, par ordre d’implication, la liste des personnes qui ont participé à la cocréation de ce sixième et dernier volet du Twitteroman sans E :

@Aurise @AndreRoux @machineaecrire @georgesgermain @nanopoesie @nathcouz @marteaudeux @marcottea @JeanDore @LiseLePailleur @Forgasm
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Twitteroman collectif et interactif sans E (5)


CHAPITRE 5-
Trio quatuor (Semaine du 3 au 10 avril 2011)

Il y a huit ans, Nicolas faisait film sur film, monnayant son instinct, cumulant moult prix. Un jour, il croisa Yorik. Il trouva l’individu plaisant car il racontait tout d’un ton rigolo: faits, hasards, combats. Il avait 30 ans, un port royal, un look aguichant: il lui a plu aussitôt. Mais aujourd’hui, Yorik voulait-il d’un parfait Don Juan qui risquait d’obscurcir l’union du trio?

Nicolas avait un aplomb adamantin qui lui avait plu. Il symbolisait la part yang, Yorik la part yin. Jadis Yorik avait pris appui sur un faux moi dissimulant ainsi la fraction à punir ou à fuir. Amoral parfois, il savait ravir un hug ambigu. Son  faux moi lui avait  nui, du moins à l’occasion, car  il niait  son intuition. Aujourd’hui, il voyait son parcours plus ardu mais aussi plus satisfaisant.

« Au travail! Choisissons un script commun », avança  Nicolas oubliant Yorik. «Un script tout fait ou un script construit par nous?» ajouta-t-il. « Oui, faisons un script scrutant l’obscur dans l’amour humain sans approfondir ni la mort ni la confusion. Un script à tâtons. Faisons ça. Tout à fait.» lui dit Yorik compatissant.

Durant trois jours, chacun narra tour à tour : chocs, assauts, contacts  mutins tout autant qu’un rapport constant à l‘insoumis, au fortuit,  à la  divagation, à la confrontation, à l’agitation du moi.   Un synopsis sans compromis finit par jaillir, coalition d’instants furtifs s’immortalisant sur l’ordi. «Bon, qui fait quoi? Organisons-nous, allons-y! Il nous faut auparavant avoir la confirmation par David qu’il souscrit au manuscrit.» David donna son aval, ravi  d’avoir  un pouvoir aussi important. Nicolas avait, on l’aura compris, pour mandat l’optimisation du contrat.

Amorçant un plan d’action, Lora sortit un as, David ancra un us, mais Yorik trouva un os. Yorik vit la fin du trio dans la conclusion du synopsis. Nicolas allait assouvir sa passion. Il prit David à part, mais ignorait l’attraction sans fin du trio construit sur la passion, l’aspiration, la consolation. Imbu, il croyait pouvoir saisir l’occasion d’accomplir un forfait. Nicolas voulait son
film mais aussi abolir du coup l’amour fou du trio. David  l’ignora; Yorik aussi. Distrait  ou contraint, Nicolas n’insista pas. Il fallait agir sans faillir. D’abord confus ou complaisant,  chacun  montra son moi conciliant  ou accommodant. Un film pas mal du tout naquit ainsi à San Francisco, affabulation à la Jodorowsky. On assortirait plus tard tout ça à un «plagiat par anticipation».

Lora chantait, dans son pot courtaud, l’alcool nous attirait… attirait, mais poussait un trio quatuor au fond du baril, un baril sans fond. Un mois plus tard, au bilan : film sorti, Nicolas  à Hollywood, mais sous, sous, sous à  foison pour toi, pour moi, pour nous ! Fantasmons, amusons-nous, scrutons l’inconnu jusqu’au fond. Optons pour un hasard voulu, pour l’invasion du connu, parcourons un raccourci pour l’infini. Alcool, sons musicaux, un joint par-ci par-là, tout  confinait David-Lora-Yorik dans l’illusion, la fiction, l’imagination.

Au comptoir, Lora attirait toujours David (ou Yorik?) dans l’infini puits sans fond du baril qui aspirait Yorik (ou David ?). Tout un fabliau pour un roi aussi fou! Par avion ou par train, il fallait sortir du pays. Il fallait partir au chaud. Lora s’irritait, trop d’alcool, trop d’illusions, oui partir mais où? Au Colorado, pour voir la Stupa Dharmakaya? À Cuba pour agir un bon vouloir ou s’offrir un brillant Apollon? Donc l’avion pour Cuba ou train pour un Colorado fascinant? Plaisir du corps ou travail sur soi? Pourquoi, quand on a du pognon choisir l’alcool, roi fou  à souhait ? Partir sur Pilar pour un pays où sont rois tous nos souhaits? Au Grand Canyon, pourquoi pas? Jusqu’au fond, au bord du Colorado coulant, fond du baril, un trio toucha au fond, puis s’alita, oui s’alita,  imaginant tout ça, s’abîmant, souffrant, noyant son mal sans sortir pour autant d’un magma taxant. Un lit au fond du baril, l’alcool faisait fort mais, bon sang, pas pour trois! Pourtant oui, quand il y a tant d’amour! Fusion à profusion, collusion ou  sauf-conduit pour l’infini?

Simulant un plaisir, s’illusionnant tout autant, Lora sombra au fond, constatant l’amour Yorik-David coulant à profusion. La voix pourtant criait sa solution : « Un trio cuit par l’alcool doit dormir, qu’il soit au fond du Grand Canyon ou à ChicagoLora s’asphyxiait. L’alcool abolit l’amour sain ou rigolo, fruit d’un contact profond, inspirant. Lora scrutait son moi, voulant s’affranchir du carcan immobilisant. La lady du trio avait compris la signification du mot circumambulation. Long parcours, disait Lora, pour saisir qu’un futur poupon grandissait dans sa chair. Un bambin issu d’un amour fou, aux darons histrions. Karma lourd pour un gamin conçu d’un plaisir lancinant. Un flo conçu par la pulsion d’un dard puissant… Yorik ou David? Viril papa ou tonton accommodant? Un garçon qui aurait pour nom Arnaud, gros poupon aux poils blonds, grand, costaud, coquin, rigolo.

Retour au chapitre 4 – Aller au chapitre 6

Voici, par ordre d’implication, la liste des personnes qui ont participé à la cocréation de ce cinquième volet du Twitteroman sans E :

@Aurise @georgesgermain @dawoud68 @LiseLePailleur @Forgasm
@marteaudeux @gtouze @JeanDore @nathcouz @sstasse @AndreRoux
Pour participer au prochain volet du Twitteroman sans E, utiliser le croisillon #romansansE
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