Twitteroman collectif et interactif sans E (6)


CHAPITRE 6:
Arnaud
( Semaine du 10 au 17 avril 2011)

Huit mois plus tard, ravissant par anticipation un trio conquis, Arnaud arriva au mois d’août. Autour d’un midi tropical, il naquit à la maison, dans un lit à baldaquin.  Son cri suraigu  confirma qu’il s’agissait aussi d’un lion zodiacal. Futur garçon-roi qui contraindra sa maman à moult privations, vivra pour son nombril, ignorant d’autrui, l’ingrat. Un roi glouton qui s’acharnait sur un lolo tari du lait nourissant qu’il avait soustrait à sa maman. Or, Arnaud avait un don. Il marcha à cinq mois. Parla à six. «Maman! Papas!» dit-il, faisant l’accord ad hoc à «papa».

Alors, papa-tonton Yorik reçut un mail glaçant.  Nicolas, transitant à Tokyo, subit un infarctus fulgurant… son taxi prit alors la Shuto Kōsoku Dōro 首都高速道路, fila gaz à fond, sur Tōkyō Ika Daigaku 東京医科大学 mais y parvint trop tard. Mourir au Japon sans appui, à l’hôpital, dans >l’anonymat, dans l’abandon total: tout un sort pour lui. Sort fatal, oui. Nicolas froid, on posta illico son macchab, moins frais qu’un sushi, aux USA où Lora vit à son inhumation. «L’ACV pas banal qui causa sa disparition fut un choc pour nous tous», dit-on alors. «Ainsi soit-il», pria-t-on.

Un choc, oui, mais pas si navrant quand Yorik apprit qu’il gagnait un magot. Nicolas lui laissait tout: yacht, maisons, cash… Finis taudis, gourbis pourris! Bonjour palais à l’apparat colossal, villas au confort royal! Yorik s’imaginait pacha au Bristol. Ciao transport banal. Bonjour Lamborghini, joli char pour ravir dix, vingt nanas sans hic : Du fric à gogo! Du fric pour abolir la prostration, la frustration, la privation. Mois inaccomplis, plaisirs inassouvis. Yorik annonça qu’il quittait pour un mois, laissant Lora sans voix. David fut moins surpris.

Nourrisson brillant, Arnaud vampirisait  un trio pas mal zinzin s’affairant jour/nuit pour lui fournir soins ou amour à profusion. Choc horrifiant quand Lora ouvrit un pli notarial: Nicolas avait transmis tout son avoir à Arnaud. Lora fit part du coup fumant à David qui bafouilla: «Avisons Yorik : nous n’avons plus un sou.» Yorik arriva aussitôt. Lora avait tout par procuration jusqu’aux dix-huit ans d’Arnaud. Mais qui aura la part yang aussi par procuration? L’ADN dira plus tard pourquoi Nicolas avait agi ainsi. Pourquoi Lora mais pas Yorik ni David? L’ADN apprit à Yorik qu’il n’avait aucun droit, ni David! L’ADN apprit à Yorik qu’il n’avait aucun droit sur Arnaud ni son avoir. David non plus! La Lora aux doigts crochus avait tout pris. La manipulation n’avait plus si bon goût. Yorik comprit du coup la domination d’un Nicolas vindicatif qui avait pourtant l’air si amical. Yorik consulta David pour un plan d’action commun. Agir, oui mais… Faudra-t-il punir Lora? Faudra-t-il abolir l’union du trio? Nourrir toujours l’amour d’Arnaud?

Or, Arnaud, ayant un QI inouï à moins d’un an, avait compris la machination. À l’insu du trio, la jouant bambin idiot, il ourdit un plan pour ravir l’avoir patrimonial. «Ha! Ha! Ha!», rugit-il. «Maman aura nada! À moi l’abondant gros lot!». Il conduisit illico son landau jusqu’à la Banco Popular du coin. Suscita-t-il passion ou suspicion? Il parla d’abord, puis cria, chiala, larmoya; on l’ignora, on ôta son landau, on assuma qu’il lui fallait partir au plus tôt. Il fit ça dans un but archi clair, car il n’avait pas dit son mot final.

À l’instar du BB Junior dans un roman commis par Pancol, il  joua, fabula,  complota. Il hypnotisa tout un chacun, faillit sortir grand gagnant, mais à l’instant où il quittait la Banco Popular, il rougit, il pâlit : il avait vu sa maman, Lora, au cou d’un magnat du dollar. Quoi? Lora? Ici? Jouant la Milady? Traquant diamants ou volant son pognon? Il lui fallait la justification illico! Dans son landau, il fonça droit sur Lora qui hurla quand il la mordit au cul.

«Caramba!» brama la mama dolorosa. «Mamma mia, riposta Arnaud, sur l’air disco d’ABBA, pourquoi fais-tu ça?». «J’ai grandi dans la privation. Jamais un sou sous un coussin par la souris quand j’avais 7 ans», chougna Lora. «Aujourd’hui, millions sur millions fournis par ton bon papa : franchir le canal du nul au tout sans faillir, sans ravir? Trop pour moi!», avoua Lora dans un soupir. Non, il n’avait pas dit son mot final, l’Arnaud au QI abracadabrant. Quand il vit la conclusion du ADN rapport, il dut vouloir l’illusion d’abstraction: Arnaud vit son «pai» portugais, Nicolas! Nicolas, Portugais ou Japonais, Ricain ou Anglais, Nicolas sans nation qui vivait pour agir, qui vivait pour son art. Nicolas qui  lui parlait d’acquis, qui lui chantait Ti Cul (Cowboys Fringants), Nicolas qu’il  n’avait pas connu. Nicolas, papa disparu avant d’avoir pu lui offrir câlins ou bisous. Arnaud prit sa doudou dans son landau, prit la position d’un toutou battu. Lora s’alarma : son fils abattu! Jamais il n’avait paru si mal. Lora culpabilisa.

Arnaud, mini tyran charmant mais souffrant, voulait ravoir à tout prix l’amour du trio l’ayant fui. Il coulait, s’abîmait, disparaissait dans l’affliction, aspirant à la consolation. Un vrai snoro, Arnaud, car il avait appris imitant Lora.  Son mal? Du bluff! Bambin, plaisantin, il riait sous capuchon. Abandonnant son gringo nanti, Lora s’affairait, lui prodiguant moult soins, jolis mots doux :«Mon loulou, mon Nono, souris-moi.»

Manquant d’air pour y voir clair, Lora offrit aux gars un forfait d’un mois pour Cuba. Un jour plus tard, Yorik-David, duo appauvri, partit main dans la main. Cayo Coco, Holguin, Guantanamo, Santiago, Cayo Largo, La Havana, noms tropicaux pour nos routards, marchant pack-sacs au dos.

À la maison, un CD jouait la chanson Mistral Gagnant qui calmait son agitation. Lora fondait, car la voix d’or aux mots puissants, à l’air captivant, drainait la division dans l’union: chaos, illusions, dissimulations. Dans un tourbillon d’actions, jonglant à  sa situation, Lora faisait un bilan couvrant son parcours. Un constat: son amour pour Yorik-David s’approfondissait. Amants ou compagnons? Corps à corps ou rapports aidants? Mais il n’y avait plus Nicolas quoiqu’Arnaud fût son portrait troublant. Lora, subissant un tournis, tomba sur un sol dur qui lui fit mal. Yorik-David ? Un duo trop lourd plus du tout attirant. Un duo couci-couça qui n’allumait plus sa libido.

Quant à lui, Arnaud, un  BB-ado, grappillant l’amour  vaincu s’accrochait surtout à Loco Locass, sa cour ayant disparu. Soudain, un pli tomba: rapport d’ADN approfondi, moins brouillon, la filiation Arnaud-Nicolas disparut! «Mais qui planta mon grain dans Lora à la fin?» insista Arnaud, à bout. Lora aurait tant voulu discourir. Arnaud gardait tout l’avoir, mais qui incarnait son vrai papa? Pas Nicolas, ni David, ni Yorik, qui donc? Un gars du showBIZ, glissant au fil du courant? RV d’un soir au Ritz qui finit au lit?

Ail, curcuma, chili, origan, oignon, raifort, wasabi: tout ça dans un but frugal? Allons donc! Concoction pour rats! Fricots sans plaisir, plats trop piquants, trop puants pour un marmot qui voulait mourir tout à coup, car il ignorait son papa. Lora lui apporta son lait: fini n-i ni  l’intoxication! Arnaud n’aurait plus faim d’amour. Sans façon, il s’inscrirait dans l’abus du mal, du mauvais, du poison, du surabondant. Il valait un sursaut d’inconfort, il militait pour  un infini à rabais. Il lui fallait fuir l’humiliation du bâtard. Il opta pour la transformation du savoir, pour la mutation du mal par l’Art. Arnaud avait la conviction d’un choix: sort à subir ou s’affranchir? Un bâtard qui babounait, injuriait sa maman qui l’allaitait toujours, qui lui avait tout pris, sans vrai tact, au couchant du naissant. Lora cajolait son Arnaud qui doutait. David-Yorik à Cuba. Quid du script? Quid du roman? Sans transition, ça faisait Polanski!

Cinq ans plus tard, David vivait toujours à Cuba. Il photographiait, filmait, faisait du yoga: il gagnait ainsi son pain. Yorik l’aidait quand il pouvait, mais il tournait aussi aux USA à l’occasion. Ayant choisi Paris,  Lora avait mis dans son fiston, tout son amour fluctuant, l’amadouant pour qu’il soit instruit, savant, un parfait habitant d’un futur mutant. Arnaud voyait  2-3 fois l’an David-Yorik, duo distant mais non banal, qui façonna  au fil du continuum fugitif son moi affirmatif râlant toujours pour sa part d’absolu.

FIN de Tourbillon, roman sans « E »

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Voici, par ordre d’implication, la liste des personnes qui ont participé à la cocréation de ce sixième et dernier volet du Twitteroman sans E :

@Aurise @AndreRoux @machineaecrire @georgesgermain @nanopoesie @nathcouz @marteaudeux @marcottea @JeanDore @LiseLePailleur @Forgasm
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4 réponses à Twitteroman collectif et interactif sans E (6)

  1. Nicolas dit :

    Vous avez bien fait de prendre sur vous la finale. J’avais deviné qu’il faudrait un gentil dictateur (dictatrice!) pour boucler tout ça!

    Ces cadavres exquis sont toujours générateurs de chaos et font des histoires généralement plutôt bric-à-brac. Ce récit ne fait pas exception et ce n’est pas plus mal: le côté surréaliste et humoristique du résultat fait partie du plaisir de le lire! En prime, on dirait que la contrainte assure une certaine cohérence au texte, ne serait-ce que par la forme: imparfait, participe présent, expressions détournées…

    Sympathique récréation! J’ai eu bien du plaisir à y participer. Merci pour cette initiative et salutations aux co-auteurs!

  2. J’ai laissé sur mon blogue un billet que je te destinais comme commentaire 😉

    Merci pour cette fantastique aventure et prête pour d’autres tout aussi enthousiasmantes, stimulantes et fabuleuses.

    Bravo à toi pour la finale du récit, je l’aime beaucoup.

    Bravo à toutes les co-auteures et à tous les co-auteurs.

  3. Marie dit :

    Super comme projet!
    Par contre un « e » s’y est glissé… « gagner son pain » 🙂

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