PASSAGES, IVRESSE, OSMOSE, MURMURES : Fictions bivocaliques twitteriennes et collaboratives


PASSAGES

Malgré les avalanches, des étrangères rescapées prennent le temps d’échanger entre elles après des descentes extrêmes. Elles se rappellent les échecs précédents et la perte lamentable de cette camarade de lycée. Les escarpements de ces pentes représentent de réels dangers. Cependant, année après année, elles avalent les pentes, les caps, les vallées, s’arrêter ? Nan. A cet âge, elles avancent et valsent. Elles attendent l’alarme, le branle-bas de la garde, la castagne préparée par l’armée des marchands de rêves. Marcher, haleter en caravane a donné  à ces femmes l’accès à l’espace, ce repère secret de l’âme cachée en la fardant.

Cependant, ces grands espaces de sable blanc n’effacent pas les traces de dérapage. Les sens en rappellent la présence à la pensée. Ces draps blancs rappellent les vacances avec Clara, la belle Allemande ! Cette nappe cependant… Cette nappe rappelle sa mère. Elles parlent lentement et avec tendresse de la scène passée. Elles parlent de cette mère dévastée par le décès de sa grande, de sa belle fée. Elles bavardent en excès et  en versant des larmes. Elles ressassent ce temps, l’enfant pâle dans la chambre écarlate avec sa grâce attachante. Elles se rappellent cet ange, décédé devant le phare, après tant d’années malade. L’âme s’en est allée vers cette cathédrale gelée.

Dans l’enfer blanc de ce désert alpestre, ces dames blêmes effacent l’alarme de l’âme en vastes et graves palabres. Elles se rappellent la caressante tendresse de cet adage tellement parlant : prendre le temps. Hélas, la glace gèle les faces effrayées. Des ténèbres s’échappe déjà la lente nef des archanges, et les belles rêvent de s’évader. Las, le malabar les attend, âpre et fat, sa large barbe cache la balafre blafarde de sa face. Sa rage fera date. Le mental s’exaspère. Trêve de blablabla, tchatter rend les nerfs acerbes et émèche les pensées.

Elles savent. Le gars entrera. L’absence dansera sans adresse, sans attache, dans la pesante avancée. Elles s’arment les regards. Le gars entre. Hagard, l’alpe a avalé  des gardes. Le malabar est mal barré. Les dames s’en emparent. C’est le drame. Rendre l’âme et passer l’âme à senestre. Les femmes  prennent le blâme. Pas assez affable. Elles partent. S’en aller vers l’absence en passant par Hyères. Les pétales s’étalent et la caravane passe. Les belles ne retardent pas le départ. Emma part vers le val et Nadja à Percé. Elle passe par La Plagne. La Plagne n’est pas la plage. Est-elle à la page? Pendant ce temps, le malabar râle. Rhâââ. Ah ce barbare mâle à bars ! En revanche, belle vengeance! À la chasse! Se pâmer devant cet âne hébété ? Pas elles ! « Ferme-la grand benêt ! » clama Nana, la belle plante.

Sans la rebelle Clara en allée, Emma, Nadja et Nana tentent de préserver des traces de passé. Elles se sentent dans le rêve même en se sachant dans le réel. Entre rêve et réel, révéler. Attablées, elles acclament cette manne d’éther, éphémère. Les larmes salent les sens. Avancer. S’enlacer. S’élancer. S’évader. Accepter de changer et cependant être les mêmes. Ensemble. Aller devant, aller.

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IVRESSE

L’immense tristesse d’Émile irrite Émilie. Elle l’invite près d’elle. Le film de Tintin les libère de l’emprise de cette pitié invisible. Ensemble, ils se grisent d’idées. L’hiver et le yeti s’emmêlent en ces esprits. Ils se sentent petits, étrécis. Des désirs ? Dire niet ensemble,  rire, expérimenter. Septembre : en crèche, le petit Émile, hier en étreinte de mère. Privé d’elle. Fini ? L’existence se fige et l’intimité résiste. Il insiste et il crie. Elle est timide et terrifiée. Le teint livide, elle se lève lentement, en silence. Elle décide d’intervenir.

Ces crises répétées révèlent l’intensité de ce fils très sensible. Émile, ce divin bébé Helvète, ce  petit Cid de crèche, revient de bien des périls et rit. Elle médite. Dilemme : verre plein ? verre vide? Énigme : tweeter, est-ce expérimenter l’irréversibilté ? Émilie rêve : hiver vénitien ? printemps de Kébec ? l’été, enfin ! L’irrésistible envie de glisser vers l’indécis, de virer le définitif, d’inspirer timidement le rire et signer le dernier billet. L’été, c’est  le temps  de prétendre cheminer vers mille merveilles  et en bicyclette. C’est célébrer cette vie en prince et en princesse (reine en définitive), c’est vibrer et distiller le  sens. C’est   relever le défi de briser l’indicible.

Émile est l’héritier : riche en temps de vivre. Résidences : les plis. Destin : le devenir. Rien ne le retient derrière. Il reprend le chemin et récite cette légende fétiche. Il rit Émile, il rit bleu, heureux de l’hiver. Le destin, il le vit libre et s’enivre. Il s’éprend de Siri, sylphide génie féminin.  Il grimpe vite en ce ciel de lit et se délivre de cette vie restrictive. Il est le « il » d’Émilie, le « il » d’Émile, le lié et le relié, le lien, le plein et le délié, le vide et ce qui s’y écrit. Le fil de cette vie le tire-t-il vers le vide, enfin ? nenni, le vif esprit crie le désir de vie, de rire et de liberté.

Sentir venir le désir; se tenir si près, si serrés; redéfinir le sien périmètre; s’écrier « viens! » et « je vis ! » Réitérer le rite, dire et redire les serments; s’il (elle) hésite, l’exprimer; éviter les pires ennemis, indifférence et tricherie. Émile cherche l’église : films mièvres ? livres d’hier réédités ? Internet et ses sbires ? inepte télé ? silences d’ermite ? Le  fils de Félix Leclerc? Brel? Ferré? Trenet? Higelin? Clerc?

Émile, en ce siècle de geek, est le king ! Le secret de Memphis Tennessee : mère et fils en vie. Ils méprisent l’ivresse : le verre s’est brisé, fini de rire. Le verre s’est brisé et le silence se tisse, pris de dépit en ces filets. Expirez, tristesse et envie! Et riez, ennemis! Ce rythme est mien, il dirige le vertige de l’esprit. Ces rires enregistrés me hérissent l’épiderme. Les lèvres fermées des fentes disent les feintes tentées.  Se retirer, indifférent, enceint de livres, de merveilles et périr enseveli de pierres tel le reptile de Des Esseintes. Émile s’ingénie indéfiniment et il s’extirpe des idées tristes. Il crie, insiste et Siri de venir. Minimiser l’incendie, minimiser l’incident. In extremis, inventer ensemble le chemin, revivre de livre en livre. Se perdre et rester zen. Générer de l’inventivité, réinventer le dire, incendier le pire et discréditer l’interdit. Éclipses de silence  délibérées et  envies insipides. Mine de rien, dire le rien de cette  vie inventée.

Le ciel est bien timide en ce printemps  givré. Les serins serinent les Titis.  Mille serinettes se répètent : « bip, bling, clic, chip, tweet ! » « Fi ! » s’écrie Cédric, « Cessez ces petits cris ! » Serins : incidents de l’esprit. Envie de dire, d’écrire l’infini mépris des vies. « Venez, petits ! » dit Friedrich Nietzsche, le génie. « Devenir est  inventif. Dépérir est périr. » Idée, Pensée, Essence… Les Titis, tout petits d’esprit, crient « Pitié ! Merci ! » Nietzsche résiste, persiste, insiste. Il existe. Émilie s’invite : « Lisez Nietzsche en ligne. Vive les wikis ! » Siri et Michel l’envient : ils ne pigent rien. Émile reste inerte. Petit Emile, élève de Michel Serres ? Rectificatif : c’est bien l’inverse.  Fils des Livres et d’Internet : enfin libre. L’ivresse de vivre. Vive l’ivresse ! Exit.

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OSMOSE

Des cloches sonnent. Dehors, Rose observe les portes closes en octobre comme des zones de repos et de secrets. De légers flocons tombent  et fondent. Le sol en est trempé. Rose erre. Elle gèle. Ses lèvres se collent. Le vent colore ses cernes. En colère, elle égrène des mots. Gros, les mots.  Ose, mémère, ose, se répète-t-elle. Elle se donne encore des noms, des drôles de noms même : ostrogoth, zozotte... et reste dehors.

Photographie de Andrew Kazmierski

Elle observe les flocons légers comme le coton, les récolte, les dépose contre son ventre rond. Morose, Rose se perd en ses songes, en son enveloppe corporelle, trop près de cette ombre, de cette honte, gonflement pervers. C’est encore ce moment de révolte! Elle entend l’enfermer et le celer profondément. Elle ordonne le repos de son entendement. Se reposer? L’entendement renonce. C’est con, non ? Elle cherche encore. Et, encore en rogne, elle cogne ses ongles contre le sol.

Elle redresse le front et porte son globe vers le nord. Personne! Le temps retors ronronne, félon. L’horloge dresse ses flèches et les cloches sonnent. Rose comprend : ses frères ont déserté. Même désespérée, elle reprend le lest. L’horloge dont le gong dévore les mortelles secondes, dont le tempo rosse le temps, sonne encore et encore. Rose se pelotonne contre le tronc de l’orme. Elle cherche le réconfort. Elle sent le bébé se démener. Son ventre prend des formes rococo. Oser cette  grossesse  comble son homme, son Orson drôle et poltron, fort comme le roc nommé en son nom.

Orson porte les  morts, Rose décore les tombes de bonbons et de pompons contre les sombres sorts des ombres borgnes. Contente de son monde, tête levée, elle cherche encore le  réconfort. Elle observe les rochers posés près d’elle : des noms, des éloges, des poèmes… Elle cogne. Toc Toc Toc? L’écho du roc sombre répond… Long choc contre les tombes.« Ô mortels, on se repose en nos rôles de héros, le décor orné se loge proche des oboles. » Rose répond: « ô ombres des contrées débordées, osez colorer mes démons, protégez Rose et Orson des consonnes effrontées ! » Rose reprend : « Frottez nos corps et nos vers blé pétrole.  » [ John Lennon en écho ]. Les fenêtres dont les rebords sont en or restent fermées. To be or not to be.. ( être Rock n’ Roll / être Emo.). Les flocons tombent en gros flots. Onc Rose fredonne ? Onc Rose ne fredonne, elle somnole.

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MURMURES

Des nuées de ruptures musellent les excès et les rues désertes semblent devenues surréelles. Les  êtres que l’usure refuse de brûler demeurent muets. Les excuses fusent, c’est entendu. Le réel hurle et les rêves brûlent. Feulements et hurlements m’emmurent. Je rue, cruelle urgence, et eux me reprennent. Tu susurres. Tu me jures. Ce duel me rend peureuse et te met en feu.

C’est l’heure de se sustenter. Elle sert des légumes.   « En veux-tu? Heu… Je préfère me sucrer le bec. » « Veux-tu de belles prunes bleues? Heu… J’en veux seulement deux. » Le temps presse et  les deux se dépêchent.

Un lecteur peut être d’humeur et se penser devenu Freud.  Une perte de repères est en vue. Que  penser ? Refuser de rêver? Demeurer ensemble et rester frustrés ? Les deux se scrutent de près, se mesurent et se sculptent, étendus, tendus, sensuels. Plus de peur. Une lenteur meut le jeu pulpeux. Être sûr que ces cervelles rebelles et rêveuses restent jeunes une, deux ères de plus !

Les Muses s’émeuvent : une pure lueur de lune sur le mur brut est bue d’une plume sûre. Que cessent ces fumeuses pensées ! L’éphèbe peul se redresse sur ses humérus : une meute véhémente submerge l’entrée. Les keufs !  Meufs et keufs, femmes et enquêteurs, les gens  se terrent chez les Peuls, un peuple de légendes. De légendes peut-être et restent peu de Peuls repus. De plus, pleuvent sur eux Deep Purple et heureux-plus qu’eux. Sur les zébus, les Peuls s’en furent.

Quêteuses et quêteurs durent hurler une URL. Erreur: ce fut une questure. Les serrures étrusques rebutent les vents purs. Chut ! Entendre, fendre en secret les ténèbres muettes. Elles ululent, eux usent de fétus d’herbe sèche presque telles des flûtes. Plus de déjeuner sur l’herbe. Endless summer, l’été se meurt. Perdre ses vues sur le  futur. Ce n’est  qu’un jeu de mules têtues, qu’un feu du  vu, de l’entendu,  du lu et du prétendu. Des murmures que grugent les murs. Veulent réfuter une peur. Ne plus être esseulés: telle est leur quête.

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